Mars 2022
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01/03/2022
WFYB.TV
progressive pop – 70:48 – Allemagne ‘21
«WFYB.TV» est la première réalisation de ce jeune groupe allemand. Composé de cinq membres (dont trois femmes!), tous originaires de la région de Wolfsburg, Valid blU existe sous cette forme depuis quatre ans (auparavant, ils pratiquaient une musique plus proche du pop rock que du progressif). Il a fallu trois ans à Suzen (chant principal), Peter (guitares), Anni (chant), Dennis (batterie) et Lena (basse) pour réaliser cet album. Il faut remarquer que les arrangements vocaux sont superbes et que les autres musiciens ne sont pas en reste. Soulignons également un art particulièrement aigu pour les mélodies catchy («Body and Soul»). Si, dans l’ensemble, ils nous fourbissent des musiques aériennes, voire célestes («Jetlag Hotel»), certains passages se font (légèrement) plus sombres, comme sur «Fucking London». Accordons une mention spéciale au titre le plus long (sept minutes): «Sad Son», sorte de complainte progressive du plus bel effet. Un album plaisant.
Tibère
02/03/2022
Monarch Trail
Wither Down
progressive rock/néo-prog – 56:29 – Canada ’21
Monarch Trail est un trio canadien mené par le claviériste/chanteur Ken Baird. Ainsi les claviers prédominent dans les compositions de celui-ci, alliant sonorités de style néo-prog façon Clive Nolan (Arena, Pendragon…) ou Martin Orford (IQ) à d’autres plus ancrées dans un prog classique avec des effluves sonores du style Tony Banks (Genesis), Rick Wakeman (Yes) en tête. Au sujet de ce dernier, le fait que le chant de Baird a des intonations à la Jon Anderson renforce la comparaison.
Les autres instruments ne sont pas oubliés dans le mix, notamment la basse de Dino Verginella bien mise en avant, jouant en parfaite symbiose avec la batterie volubile de Chris Lamont. Ainsi, sur cette section rythmique bien présente, les notes de claviers virevoltent entre envolées prog, passages jazz et moments doux. Des nappes de mellotron amènent davantage la touche classic prog rock sur certains titres ainsi que d’autres sonorités qui rappellent les travaux de Keith Emerson. Des interventions au piano en mode classique complètent ce panorama pianistique. Les guitares, quant à elles, sont tenues par des invités, Kelly Kereliuk et Steve Cochrane.
Les notes de piano swinguent littéralement sur la plage titulaire qui ouvre l’album en mode jazzy, porté par une section rythmique dynamique qui fait décoller le tout vers les cieux d’un prog de haute voltige; des nuages vaporeux de synthé en soulignent l’effet planant. Avec d’avantage de guitares affûtées, «Echo» s’inscrit dans une veine plus rock/néo-prog avec des soli de claviers épiques qui abondent dans ce sens. Sur «Canyon Song», les guitares se taillent une bonne part de ce savoureux gâteau prog avec un nappage de jolis soli entre les couches de claviers. «All Kinds of Futures» qui clôture l’album est du même tonneau.
«Waves Of Sound», en partie chanté en français, porte bien son nom, les claviers évoquant des vagues synthétiques dans une mer de mélodie, on s’immerge volontiers dans un sentiment d’apaisement dans cette plongée en eaux calmes et chaudes. Le titre «Megalopolitana» s’étale sur plus de 15 min qui en font la pièce maîtresse en termes de durée mais aussi de diversité instrumentale. Les passages de pur rock progressif riche en instrumentations audacieuses se succèdent sur une rythmique qui ne lésine pas sur les mouvements acrobatiques; guitare et claviers s’y unissent en beaux duels.
On a donc avec cet opus un bon compromis entre le rock progressif des anciens et le plus récent. C’est un véritable festival de claviers enjolivé par les autres instruments, auquel l’auditeur est convié pour cet excellent album de prog pur jus, un grand cru assurément.
Orcus
https://monarchtrail.bandcamp.com/album/wither-down
03/03/2022
Monnaie de singe
The Story of Rose Ola Seks
progressive rock – 46:01 – France ‘21
Il est clair que Monnaie de Singe, plus communément connu sous ses initiales MDS, fait maintenant partie du haut du panier de la faune progressive française. Sixième rondelle et, comme on dit, la consécration garantie par un projet, un concept d’âge mur qui place le groupe au sommet d’un Everest ou plus facile ici, vu de France, d’un Mont Ventoux aride à son sommet, désertifié par le peu d’excellents albums proposés ces dernières années. Rassurez-vous, j’en connais, mais nous subissons une raréfaction inquiétante du nombre de formations attirées par un genre, il faut le souligner, peu racoleur pour la masse nébuleuse des aficionados du rock au sens large. Bon, ceci (re)dit, «The Story of Rose Ola Seks», où je ne décèle aucune contrepèterie scabreuse, est un opus des plus agréables en cela qu’il respire l’air de son temps, convoquant les recettes du progressif à des vapeurs plus récentes en terme d’inspiration. Pour cela, le chant doux et voilé d’Anne-Gaëlle Rumin-Montil enveloppe l’œuvre avec un charme ensorceleur qui n’est pas sans évoquer par de subtils instants celui de la regrettée Dolores O’Riordan des Cranberries. La musique que propose MDS est envoûtante, voire parfois hypnotique, en partie grâce aux deux guitares tenues par Christophe Laporte et Jean-Philippe Moncanis qui permettent d’emporter l’auditeur haut, très haut, «Oh, beaucoup plus haut» vers des plateaux de béatitude en altitude enneigée comme sur la pochette. Question mélodies, MDS étale un savoir-faire dont on ne pensait pas qu’il ait pris un tel volume depuis «The Last Chance» en 2018, non, la dernière chance vient d’arriver pour Monnaie de Singe en bannissant la fameuse «Error 404» de toute inspiration mal dégrossie. Ce sont de véritables chansons d’inspiration progressive, voire parfois, j’ose, gothique. Pour l’histoire de ce concept album, il se résume en une phrase: «Rose, mère célibataire qui après avoir perdu son fils, persuadée d’être liée par un pacte diabolique, devient meurtrière puis est internée.», pas très glamour tout comme la pochette qui évoque un de ces «urbex» lugubres et excitants à la fois, tout comme l’est ce disque après deux ou trois écoutes pour savourer, édifié, les aléas de cette malheureuse Rose Ola Seks. Quelques titres méritent un sort enviable car le sens de la mélodie bien troussée arpente les sillons glacés à en faire craquer l’écorce des sapins des cimes entourant le sanatorium (?)... Le sixième opus du groupe du Cantal éclate magistralement aux oreilles de tous ceux qui aiment le rock mélodique ambitieux, louvoyant entre amertume larvée et envolées foudroyantes. Pour être complet, n’oublions pas Philippe Chavaroche aux claviers, Eric Issertes à la basse (quel velours!) et Eric Farges aux baguettes.
Commode
04/03/2022
Nebulous Sun
First tale
vintage/zeuhl/Canterbury – 43:11 – France ‘21
Quatre ans d'existence et un 1er album pour Nebulous Sun. Leurs influences déclarées Magma/King Crimson/Canterbury se retrouvent bien au fil des 6 pistes, mais pas seulement!
«Come to pass» évoque de suite le KC époque 73-74, mais, malgré ses 4:26, il va plus loin (un rien de Gentle Giant en bonus?) dans un jeu de patterns de violon alternant avec une guitare aérienne. Introduction convaincante!
«First tale» (7 minutes): guitare saturée et wah puis une voix incantatoire ouvrent, cédant ensuite pour un passage aérien à une seconde voix, féminine, pour un passage psy/flower power avant que violon et guitare ne strient le ciel, nous ramenant vers un trop peu profond marécage KC caractérisé par le titre suivant.
«Vacuité» avec son climat démarre fort; le chant trop poussé fait malheureusement sortir un instant du morceau, avant que la musique ne reprenne son cours, trop vite interrompue par une déclamation à la Gong qui devrait certainement mieux trouver sa place en public. Dommage car le morceau se poursuit avec une belle alternance de pulsions zeuhl (3 membres du groupe font partie du groupe zeuhl Rùhn), et de climats où le violon de Charlotte Pace et la guitare du chanteur Jeremie Goubault ne peuvent qu'évoquer avec talent KC!
«Bargain» c'est une autre affaire 😉 ; plus ramassé (4:38), basse/batterie (Kevin Brosse/Captain Flapattak) assurent une pulsation oppressante pendant que violon et guitare se livrent à une joute de grande beauté. Le chant parfaitement maîtrisé parfait le tout et coche avec verve la case Canterbury.
«Demiurge» (9:25): batterie dans les cymbales, basse tellurique qui fait sa vie, incisions guitare/violon, belle entame, le chant bilingue et les chœurs offrent une partie tout en retenue et en maîtrise. Le thème minimaliste à la guitare s'opposant à la masse du groupe pour un final d'une très belle dissonance folle.
«Aim of claims» conclut l'album par une brillante démonstration de la virtuosité de chacun des instrumentistes, promesse d'un bel avenir.
Cicero 3.14
https://nebuloussun.bandcamp.com/
04/03/2022 - EP
Various Artists
The Hobbit House Collective
classic rock – 22:04 – UK ‘21
Fruits de Mer Records, Crystal Jacqueline, Icarus Peel, The Honey Pot... bref une vieille bande de potes, qui, ici, sous l’égide d’un double 7 inch (double 45 tours, pour faire simple) proposent 4 reprises, une par face. Deux titres de Led Zeppelin, un titre de Fleetwood Mac, et un dernier d’Icarus Peel. D’abord les reprises de Led Zep: fidèles dans l’esprit mais avec un côté folk plus prononcé pour «Battle of Evermore», notez sur cette reprise les 4 cordes du violoniste Darryl Way de Curved Air. «Ramble On» est par contre beaucoup moins impulsif que l’original qui perd sa fougue au bénéfice d’une ambiance progressive incarnée par le son d’un mellotron. «Chain» de Fleetwood Mac, dont l’intro folkeuse et remplacée par un pitch rock’n’roll, est un titre, lui aussi, un peu rhabillé aux couleurs progressives (les claviers) et dont la progression, sans égaler l’original, tient la route. La dernière face consacrée à une composition d’Icarus Peel, et interprété par The Locker Room Cowboys, est un morceau instrumental bluesy entraînant et clôturant de belle façon cet étrange objet 4 faces d’un autre temps.
Centurion
05/03/2022
Ghost Rhythms
Spectral Music
complexe/RIO/Canterbury/jazz fusion – 73:56 – France ‘21
Voici donc le sixième album des Français de Ghost Rhythms, leur deuxième sur le label américain Cuneiform, après un «Live at Yoshiwara» en 2019. L’ensemble, composé de 10 musiciens, continue son exploration de divers genres musicaux et l’on peut ainsi y découvrir au fil des plages des relents de zeuhl, Canterbury, R.I.O., jazz fusion ou encore des pointes humoristiques nous rappelant les Québécois de Miriodor, voire un peu de jazz du côté de French TV.
Tout cela est varié, avec une riche palette sonore, un jeu sur les timbres et les rythmes, nous octroyant autant de surprises agréables, de breaks improbables. Ces différentes références ne signifient pas un fourre-tout musical, mais, au contraire, une intégration judicieuse, intelligente et inspirée de tous ces éléments.
Une impression générale s’en dégage: le désir de pouvoir écouter tout cela en public, le plus vite possible… On se prend à rêver d’une tournée qui donnerait cette possibilité le plus vite possible… Qui sait? Lors des festivals de l’été?
L’album est long mais sans longueurs, varié mais sans éclectisme; tout y est bien mesuré, pensé, sans pour autant perdre les valeurs émotionnelles fortes que cette musique nous transmet.
On peut mettre en exergue le superbe morceau titulaire qui s’étire avec nonchalance au long de ses 10 minutes 43 secondes. Il nous offre une synthèse intéressante de ce qu’on peut trouver sur cet album.
Pour résumer: intelligence, inspiration, savoir-faire, humour, richesse de timbres, de rythmes, d’harmonies… Que demander de plus?
Lucius Venturini
https://cuneiformrecords.bandcamp.com/album/spectral-music
06/03/2022
Playgrounded
The Death of Death
metal rock-doom/prog électronique – 39:58 – Grèce ‘21
Playgrounded est un groupe de métal prog grec né en 2007, sortant son deuxième album; un son métallique avec des guitares saturées et désaccordées, des vocaux expressifs; souvenez-vous d’Alice In Chains. Le compositeur Orestis travaille sur la musique électronique tandis que le chanteur Stavros a composé pour le cinéma et la télévision. Odysseas, Michael et Giorgos forment l’ossature du groupe. Leur son: un rock-métal progressif moderne influencé par Tool, Deftones, Anathema du début, voire Nine Inch Nails et la musique électronique.
Rapidement, «The swan» sur une détresse musicale, une langueur de fin du monde. «Rituals» avec sa basse et ses lignes mélodiques réverbérantes électroniques. «The Death of Death» pour la ballade mélanco-dépressive, basse, synthés, riffs monocordes. «Tomorrow’s Rainbow» part sur un dub électro suivi d’une réverbération musicale avec guitares grises suintantes de notes où la tristesse semble belle. «A Road Out Of The Flood» sur une base litanie parcellaire avec bribes noires. «Our Fire» et sa superbe intro onirique sombre, une ultra-basse vient vibrer dans l’atmosphère puis un crescendo au son saturé hypnotique, électronique et froid arrive et conclut l’album avec des titres avoisinant les 7 minutes.
Un album envoûtant où les vocaux s’associent agréablement aux synthés noirs et percussions assourdissantes; le son lourd devient mélodique, l’ambiance pesante semble égayer l’atmosphère livide; les morceaux plongent dans une noirceur étincelante hypnotique. Une traduction du monde dans lequel nous survivons, sombre mais encore vivace, une trame sonore faite pour s’immerger et ne plus remonter. Un son innovant avec une intensité malsaine, lourde, doom, hypnotique quoi.
Brutus
https://playgrounded.bandcamp.com/album/the-death-of-death
07/03/2022
Erewän
How will all this end ?
celtic prog – 51:35 – France ‘21
Voici venir un album de guitariste. Oui, je sais pertinemment que certains font parfois la grimace devant un album qui ne retient pas la cohésion d’un groupe. Il faudra, cette fois, ravaler ces préjugés poussiéreux pour admirer le travail complet qu’offre Erewän sur ce disque d’inspiration nettement celtique tout comme le patronyme employé. Après avoir écumé salles de concert, repris du Led Zep et du Floyd, l’artiste s’est enfin lancé en 2021 sur la voie numérique en proposant donc son premier opus, «How will all this end», avec le concours d’un certain Alexandre Lamia («The Journey» sorti en mai 2021). Avant d’être rattaché à un courant progressif quelconque, l’album d’Erewän est avant tout celui d’un artiste qui semble ancrer son œuvre en terre armoricaine ou, de toute évidence, bretonne, même si parfois un petit air latino vient s’insérer («Walk away»). Chanté en anglais, on songera de-ci de-là au Dire Straits des débuts («Headline»), avec cet aspect parfois légèrement symphonique qu’on peut entendre sur un «Brothers in arms»! C’est du bel ouvrage, celui d’un artiste qui chante, joue sa guitare et compose avec l’envie de bien faire. Cet album, et là ce n’est guère original, traite de la nature humaine et de ses dérives malheureuses, guerre, violence, haine, comportements malsains, guère original car toujours d’actualité mais toujours à dénoncer, décennie après décennie. Certaines chansons ne dépareraient pas dans un pub irlandais («The Banshee’s Keening») ou peuvent rappeler les aspects folkloriques de Mostly Autumn avec l’emploi de la flûte (le très beau «Witches of the middle ages»). «Childhoods» et «Highlands» sont cosignés par Alexandre Lamia et contiennent une magie supplémentaire qui vient allumer un œil chez le vieux fan de prog’ avec une beauté qui doit à la Nature ancestrale, entrelacs magiques qui serpentent tels les ruisseaux dans la forêt moussue... Oui, «Highlands» est un morceau magistral qui clôt ce premier album dans une allégresse majestueuse. «Comment tout cela finira-t-il?», un titre bien choisi...
Commode
https://anesthetize.bandcamp.com/album/how-will-all-this-end
08/03/2022
Civilia
Past Lives
hard rock/rock progressif/indie rock/shoegaze – 52:58 – USA ‘21
Civilia fait dans le post-rock alternatif métal prog planant, mais lourd! Après un EP en 2014, les voilà à nous donner un résumé de vies antérieures après deux années de sang, de sueur et de larmes pour sortir leur album. Du son provenant des Soen, Tool, Katatonia et des vétérans Thirty Seconds to Mars en plus lourd; un groupe de rock heavy avec des bases séquentielles programmées pour donner un côté planant, esthétiquement ouaté et aérien; du stoner lourd où les notes vibrent plus qu’elles ne sont exécutées dans le genre shoegaze; de la musique puissante avec des passages hypnotiques qui font poser l’oreille; du rock de maintenant en quelque sorte.
12 titres qui se déclinent sur une mouvance lourde et rythmée d’une part, sur du métal actuel fort et invasif; 12 qui partent sur des ambiances post synthétiques et ambiantes, sur de l’éthéré planant un temps avant de repartir sur des bases alternatives. Le bon côté est l’alternance justement de titres plus ou moins heavy d’avec ceux limite mélancolique ou stoner mantra latent; certains autres sur des montées «crescendiques» efficaces, le tout amalgamé jusqu’à «Obscura» plus froid pour une fin méditative.
Civilia avec Cory, Marty, Mike et Matt ont sorti un bon album, agréable à écouter, sur des bases éculées et reconnues. Cela n’est pas suffisant pour faire vibrer le fan amateur progueux à la recherche de circonvolutions dans chaque titre; un album qui s’écoute à la suite avec trop de chansons qui se ressemblent; juste espérer des recherches futures plus alambiquées pour faire vibrer un peu plus.
Brutus
https://www.youtube.com/channel/UCsjcmeF2VmNH-pEDXA45BkQ/featured
09/03/2022
Dikajee
Forget~Me~Nots
progressive folk – 54:40 – Russie ‘21
Il y a quelque chose de captivant dans la musique que nous propose ici Dikajee: un folk progressif des plus délicats (on est loin du dark folk qu’affectionne particulièrement La Louve!). Mais écoutons-la se présenter: «Je suis une citoyenne du monde. Pas d’âge, pas de nationalité, pas de sexe, pas de religion. Je sais que nous ne pouvons pas complètement fuir la réalité, mais au moins j’ai essayé.» Tout un programme comme chacun peut le constater! On trouve, dans cette réalisation enregistrée dans toute l’Europe, de la Norvège au Portugal, en passant par l’Allemagne, la France, la Lettonie et, fatalement, la Russie, des invités divers qui rehaussent les compositions de leurs interventions. Il en va ainsi de Fiona Rühheberg de Faun (cornemuse), Guillaume Bernard de Klone (guitares), Artis Orubs d’Erik Truffaz (batterie) et Amber João Filipe de Foil (guitares) entre autres. On flirte, par moments, avec le néo-baroque, le néo-classique et évidemment, le folk progressif dans ce qu’il a de meilleur, le tout encadrant à merveille la voix sublime de Dikajee, pas si éloignée que cela d’icones comme Bjork ou Kate Bush.
En définitive, un album plaisant où il fait bon se prélasser!
Tibère
https://dikajee.bandcamp.com/
10/03/2022
Sbonk
Les portes factices
jazz rock & prog – 42:03 – France ‘21
Autant le dire de suite, je ne suis pas fan des power trios dits «prog». Trop peu de mélodistes disponibles (à quoi cela sert que Mr. Moog se décarcasse?). Mais il y quelques exceptions où la créativité ne fait pas qu'avec des sons exotiques et où les enregistrements autorisent un trio à jouer «en même temps» 4 instruments et plus! Reste qu'ensuite sur scène...
Les Bordelais de Sbonk pourraient bien faire partie des exceptions. Déjà leur nom sent bon l'inventivité, le non conventionnel, l'étrange. Les titres aussi. «Benito Lafin» oscille entre jazz et rock musclé, comme pouvait le faire King Crimson, la touche latino finale en plus! La basse de Nicolas Blazy y tricote subtilement avec la guitare d'Adrien Servant.
«Adèle Passo» n'est pas plus sage, le trio s'y montre d'une grande inventivité. «Marie Basmati» chaloupé nous promène sur une trame plus conventionnelle et, autant le dire, moins roborative.
«Fanck Lejape» avec son climat sylvestre, où j'entends plein de petits Titi, est plus oppressant, un grain très space-rock occupant peu à peu l'espace. Mention particulière au batteur (Emile Guillaume), dont l'approche, ici, est très Mason. Le morceau prend son temps avant qu'une rythmique absolument space rock n'hypnotise, la guitare nous égraine un motif de quelques notes aériennes se mariant parfaitement à la rythmique grave. La seconde partie de cet epic de 12:47 voit disparaître le côte space-rock pour ne garder que la guitare langoureuse sur un lit rythmique très jazz dans ses métriques tourmentées. Chapeau.
«Bernard Gâterie» (nom d'une pipe, ce nom me dit quelque chose?), termine cet album plus qu’intéressant sur une note suspendue qui appelle une suite. Sbonk n'a pas 5 ans et visiblement regorge d'idées que l'on aura certainement la chance d'écouter encore.
Cicero 3.14
https://sbonk.bandcamp.com/album/les-portes-factices
11/03/2022
The Kite Experiment
Atmospherics
pop prog – 23:06 – UK ‘21
À part Neal Morse, s’il y a bien un autre stakhanoviste du prog de ce côté-ci de l’Atlantique, c’est sans conteste John Mitchell. Même si certains de ses projets sont à l’arrêt (It Bites), épisodiques (Kino), en pause provisoire (Arena), l’homme ne reste pas inactif. J’en veux pour preuve son actualité avec Frost* ou son projet solo Lonely Robot avec lequel il a déjà publié trois albums en cinq ans.
The Kite Experiment est donc un nouveau projet pour lequel John Mitchell s’associe avec Chris Hargrave du groupe Fishtank (inconnu au bataillon pour moi) et où il retrouve son ex-comparse de Frost*, Craig Blundell, dont le planning s’est certainement allégé au vu de la perspective du futur retour aux affaires de Porcupine Tree.
Le groupe nous sert ici un EP 5 titres d’une pop-prog magnifiquement ciselée avec une production et des arrangements aux petits oignons comme Mitchell sait les concocter. Les compos sont courtes (5 minutes max) et accrocheuses avec des mélodies chatoyantes et ce chant inimitable dont il a le secret. J’écrivais «pop» car on peut difficilement parler ici de prog stricto sensu; si vous cherchez des cassures de rythmes et de grandes envolées de synthés, passez votre chemin. Si par contre vous cherchez une musique accessible sans être mièvre, cet EP est pour vous.
Seul bémol, ce qu’on entend ici n’est pas très différent de ce qu’il a pu faire avec Kino et Lonely Robot; j’ai donc un peu de mal à saisir l’intérêt d’un tel projet ou son positionnement par rapport aux autres projets du bonhomme.
Mais bon, je cherche un peu la petite bête peut-être; cet EP vous fera passer un peu de 30 minutes agréables et cela reste de la haute volée tout de même.
Amelius
https://thekiteexperiment.bandcamp.com/album/atmospherics
12/03/2022
BRUIT ≤
The Machine is burning and now everyone know
post rock/psyché – 39:34 – France ‘21
Dès la première plage («Amazing Old Tree»), nous naviguons sur des textures proches de la musique contemporaine et des phrasés cousins de ceux de Fripp & Eno. «Industry» revêt des couleurs ambient en intro et se coule dans un univers orientalisant évoquant de grandes étendues de sable où dansent des mirages scintillants sous un soleil ardent. La mélodie monte alors en puissance, se fait majestueuse, dévoile une oasis où se baignent les anges. Puissance ascensionnelle quasi symphonique qui prend aux tripes. Bémol: le récitatif imbriqué dans le final totalement dispensable. Il brise le charme comme un coup de marteau dans un miroir! Imaginez un discours économique porté par du Debussy. Une hérésie! «Renaissance» s’éveille au son de violons et d’arpèges de guitare dans la douceur d’un matin de printemps. Calme et beauté sereine suivie d’un phrasé teinté Philip Glass. Mais les vagues mélodiques changent de formes et de couleurs au gré du ressac de l’espace. Le rythme devient hypnotique au fil des minutes, invite une fois de plus une élévation animique, envoûte, transporte et transcende l’auditeur. Une partition qui éclate les sens. «The Machine is burning» est le kaléidoscope de cet album: il a d’entrée un côté cinématique, alliant la douceur et les sons acides psyché, débouchant une fois de plus sur une montée en puissance qui nous scotche au plafond pour finir, intimiste, par quelques notes de guitare en reverb et s’éteindre comme une âme libérée fondue dans les étoiles. Éveil sensuel, claque sidérale, un album émotionnellement puissant aux nuances diverses peignant une toile mélodique où les ressentis se marient et se confondent en une alchimie subtile et confondante.
Clavius Reticulus
13/03/2022
Cynic
Ascension Codes
progressive metal – 49:09 – USA ‘21
Cynic nous revient avec son quatrième album depuis 1988: «Ascension Codes». Pourtant ce n'était pas gagné… L'année passée, les décès du batteur historique Sean Reinert puis du bassiste Sean Malone ont fait de 2020 une année noire pour Cynic. Heureusement Paul Masvidal reste bon pied bon œil. Petit rappel: il était le compagnon de route de Sean Reinert dans le groupe mythique Death de Chuck Schuldiner. «Ascension Codes» est tout simplement un des albums le plus réussi de toute la discographie du groupe; j'étais déjà sous le charme de «Kindly Bent to Free Us» mais surtout de «Traced in Air» avec lequel je les ai découverts en live à «L’Ancienne Belgique», une salle bien connue en Belgique, en première partie de The Ocean et d'Opeth, le 26 novembre 2008.
Cette fois ils utilisent leurs influences tout autant prog, jazz rock parsemé de métal. L'album comporte dix-huit titres, mais en réalité il y en a neuf, les autres étant des intermèdes qui permettent de relier au mieux l'album, avec quelquefois un ressenti de science-fiction. Matt Lynch, le nouveau batteur, se révèle absolument fantastique; il est d'une justesse et d'un jeu technique exceptionnel, notamment sur «DNA Activation Template». Les interventions aux claviers de Dave Mackay sont parsemées de manière parfaite. Par moment on se laisse emporter par les sons de claviers sans s’en rendre compte, par exemple sur «Architects of Consciousness». Franchement, l'équilibre entre les musiciens est parfait; on dirait qu'ils jouent ensemble depuis des décennies. Le côté technique de la musique et ses tendances à la science-fiction viennent de l'inspiration de Paul Masvidal qui embrasse un mélange de bouddhisme et d’éveil spirituel, et de considérations métaphysiques et scientifiques. C'est avant tout l'analyse des cheminements de la vie de Paul qui l’a très certainement aidé à prendre le dessus par rapport aux événements qui ont frappé le groupe. Paul Masvidal doit trouver la force d’exister sans deux amis de longue date au talent immense. «Ascension Codes» est une petite perle qu'il vous faut au moins découvrir. Bonne écoute.
Vespasien
https://cyniconline.bandcamp.com/album/ascension-codes
14/03/2022
The Spacelords
Unknown Species
psychedelic rock/space rock – 43:34 – Allemagne ‘21
The Spacelords me renvoie de suite à Black Moon Circle pour son «Psychedelic Spacelord», rock psyché lancinant! Un trio allemand créé en 2008 avec des rythmes de percussion traditionnelle, du psychédélique et des sonorités mantra, un 7e album bourré d’énergie.
«F.K.B.D.F.» débute par un son hypnotique envoûtant, convenu, avec basse et synthé psychédélique; tu oublies comment ça a démarré, la rythmique, les riffs métronomiques achèvent cette sensation de titre mantra spatial.
«Unknown Species»: sur une basse que n’aurait pas reniée The Cure dans sa période dark wave, des airs fluides à la Pink Floyd et vous embarquez avec des nappes de claviers faisant penser aux Tangerine Dream. C’est lourd, hargneux, gras, visqueux; à mi-parcours, je ressens les vibrations d’un Black Sabbath au sommet de son art. Le final intensifie les vibrations guitares avec maestro.
«Time Tunnel»: acoustique de guitare en entrée, marée présente, douceur bucolique; il faut attendre un peu pour avoir la montée stoner psyché. Au 1/3, ça éclate juste assez pour mettre en transe les derniers retardataires sur une basse à la Lemmy, ça gicle ensuite comme les soli des Pink Floyd époque psyché; à mi-parcours, des sonorités orientales peuvent faire rêver, puis on passe la 4e et ça explose au niveau sonore sur un psyché stoner de belle facture avec réverbération et overloops. Final abrupt juste pour réveiller avec le vent accompagnant cette fois.
The Spacelords sont là pour s’immerger dans un voyage musical comme avec les Hawkwind; ils ne sont pas faits pour les gens qui se contentent d’un titre de 3 minutes interchangeable; ils proposent des lignes basiques puissantes où les guitares virevoltent entre psyché et space rock de la fin des 60’s. C’est simple mais efficace, c’est hypnotisant et entraînant. Bravo à Hazi, Akee et Marcus pour entretenir le son d’ailleurs.
Brutus
15/03/2022
Fanatism
Inverted Evolution
progressive rock – 43:23 – Suède ‘21
De Stockholm (certains membres sont de Kungens Män): Gustav Nygren (guitare, chant), Peter Erikson (synthés) et Mikael Tominen (guitare). 1er album, «The Future Past» (2020).
«Inverted Evolution», intro très krautrock par des évolutionnistes d’humeur sombre. Un trip très pesant mais également cosmique.
«Power», un feeling qui fait penser aux excellents Berlinois de Tau (groupe vu au Levitation à Angers) très hard rock et très psyché. Un brin tribal on sent l’influence d’Amon Düül 2. Un bon petit cru.
«Wooden Shoes», agressif et space-rock et un rien de folie à la Circle, batterie bien mise en avant. Un album qui s’annonce sympathique. Sax délirant à la Nik Turner (très Hawkwind encore) et une guitare qui sonne à la Mike Oldfield.
«Your golden life», très lancinante et heavy blues cette pièce avant de virer au heavy progressif psyché très sombre et halluciné. Très bon jeu de guitare. Les héros sont fatigués mais bien présents pour nous offrir un bon moment.
«The great hunger», ça tombe bien j‘avais faim de concerts et de festivals; ça commence à reprendre. Un chant de qualité, un son bien acide. Le délire continue avec quelques traces d’Acid Mothers Temple et le gazouillis des claviers. Des musiciens accomplis comme souvent dans le rock progressif. Chouette rock spatial!
«Verkligheten», l‘un des meilleurs morceaux de l’album. Une belle montée en puissance avec une guitare dominante et des vocaux habités. Très bien. Bonne intervention du sax; on pense à Kraan, cet excellent groupe allemand 70’s. Encore un bon plan.
«Machete» va plus à l’essentiel, le chant fait penser à Danava (très bon groupe stoner space rock américain). Un son massif. Des riffs basiques réveillant une galaxie déroutante.
«Perfection» est très 60’s dans l‘approche, une belle transition où sax et guitare communient pour un beau résultat.
Un album solide que les concepteurs ont généré en marchant sur les champs de fraises éternels.
«Jet Lag», il est temps de regagner l‘aéroport au son d‘une voix à la Thom Yorke (ambiance à la «OK Computer»).
J‘ai comme l‘impression d’avoir maté un western psychédélique. Bon équilibre entre le hard rock, quelques accents free jazz et une bonne louche d‘étrangeté.
Fatalis Imperator
https://fanatismcf.bandcamp.com/album/inverted-evolution
16/03/2022
Osanna
Il Diedro Del Mediterraneo
progressive rock (RPI)/pop rock – 46:24 – Italie ‘21
Lino Vairetti, le diable napolitain et ses œuvres: musique légère et puissante, une voix qui déclame, envoûte, enchante. (Saviez-vous que son jeu théâtral et ses maquillages pourraient bien avoir inspiré Peter Gabriel?)
Un charme intact après plus de 50 ans de carrière au sein d'Osanna dont il est le dernier membre fondateur. Toujours énergisante, leur musique issue des faubourgs de Naples possède la joie et la folie de sa musique traditionnelle. Tel est l'enthousiasmant «Zuoccole e Tammorre»: du pur rock prog napolitain, démonstratif et joyeux, point d'orgue de l'album.
«Ti Retroverò» et son thème attachant qui pourrait ne jamais finir, limite pop mais pas vulgaire, car rien n'est convenu ou prévisible chez Osanna (tel le didgeridoo de l'intro!), et ce thème se finit dans le morceau suivant «L'Uomo del Prog»!
«Tu» est plus pop encore, avec son tempo slow et le saxo (très sage pour une fois) de David Jackson. Un tube à radiodiffuser!
«Tempo» plus rock dans son entame cache en fait une aimable ballade à 2 Vairetti, père et fils. La relève est assurée?
Dans le même esprit, «Mare Nostrum», rock dans le style Alice Cooper, entraînant, avec la belle guitare de Pako Capobianco.
Enfin «Caracalla '71» conclut l'album par un coup d’œil nostalgique sur le festival qui s'est tenu en mai 1971 dans des thermes près de Rome, le lieu des premières acclamations (hosanna) pour Osanna.
En filigrane de la pochette apparaît un 50: leur premier disque date de 1971. Ils sont toujours là, comme PFM, BMS, Le Orme et Area, nous rappelant la vitalité du RPI, alors, même si Osanna n'est plus au plus haut des cieux du prog, faites le plein de belles mélodies avec ce 8e album studio revigorant.
Cicero 3.14
https://maracashrecords.bandcamp.com/album/il-diedro-del-mediterraneo
17/03/2022
Elephant & Castle
The Lost Album
progressive rock – 61:53 – France ‘21
Alors là, un petit cours d’histoire s’impose plus que d’habitude. Elephant & Castle revient, alors que certains n’avaient jamais entendu parler du groupe, tandis que d’autres (dont votre serviteur) continuaient d’encenser leur unique joyau, «The Green One», de 1991. Donc, grosse émotion convoquée au parloir après trente ans de garde sans vue! En fait, ce retour est plus une résurgence du passé qu’un nouveau départ. Voici du matériel enfoui depuis trois décennies plus des bandes live de 1995 qui surgissent, tel le phénix de ses cendres. D’où ce titre bien compréhensible «The Lost Album», ces fameuses bandes perdues qu’on finit toujours par ressortir un jour quand la nostalgie s’en vient avec le temps qui passe. Le groupe s’étant séparé après un unique opus, fatigué de ne pas être reconnu à leur juste valeur avec un progressif chatoyant, enjoué, digne des pires folies musicales, vocales ou scéniques (je les ai vus à l’époque!), ils avaient donc enregistré des morceaux en vue d’un second album et puis aussi ce concert donné à Paris devant 250 personnes en 1996 qui sort en même temps («At Last Live»). À l’instar de Drifting Sun, E&C s’est lui aussi formé à Londres à la fin des eighties. C’est de là que doit leur venir cette folie qui éclate au sein de ce rock prog’ inspiré de Twelfth Night beaucoup, d’IQ un peu... E&C doit d’ailleurs une grande part de son aura à la voix de Patrice Steinberger, un organe comme on en entend peu dans le milieu prog’ mais Elephant & Castle faisait il encore du prog’? Oui, au sens où leur musique n’avait que peu d’équivalence, non car ce second album (j’y viens) est un peu décevant à mon goût. Petite crise d’amoureux déçu? Je ressens et retrouve le fond musical du groupe mais la folie me semble ressassée, reprise là où elle en était. Bien sûr, il y a toujours la guitare d’Edouard Poujaud (cofondateur du groupe) et ses volutes incendiaires à la U2 (The Edge!) qui cristallisent l’autre face du charme ravageur du groupe. J’apprécie encore mais je préfère largement «The Green One» qui m’avait cueilli à l’estomac. Sûrement du dépit amoureux donc, je ne m’attendais pas une seconde à cette facétie d’un lointain passé. Mon enthousiasme d’alors s’est mué en bouderie d’amant éconduit. Quatre ans séparent les deux rondelles et même si le style inimitable est là, je ne crois m’esbaudir autant si les parutions fussent inversés. Mais que les ignorants de cette légende méconnue ne passent pas leur chemin; jetez une oreille sur ce rock déjanté, engeance dépareillée de Twelfth Night et U2, créature unique sur la piste aux étoiles d’un rock théâtral flirtant avec le music hall! The madness must go on...
Commode
https://elephantandcastlefr.bandcamp.com/album/the-lost-album
18/03/2022
Jethro Tull
The Zealot Gene
progressive rock – 46:45 – UK ‘22
Jethro Tull est de retour! Une carrière de passé cinquante ans, riche de vingt-deux albums. Ils reviennent nous donner le successeur de «J-Tull Dot Com», sorti en 1999… Vingt-trois ans sans nouvel album! Un événement donc… Oui, je sais, Ian Anderson a sorti entre-temps moult albums sous son nom, qui sonnent comme du Jethro, mais là c'est de l'officiel. Et, dès le premier titre, on est dans du Jethro Tull pur jus, peut-être avec des riffs légèrement plus durs, peut-être liés au recrutement de Joe Parrish, guitariste de vingt-sept ans arrivé depuis peu dans le groupe. Présentons le reste du line up: naturellement, la légende Ian Anderson au chant, flûte traversière, guitare acoustique, divers instruments, David Goodier (fraîchement arrivé) à la basse, John O'Hara aux claviers et Scott Hammond à la batterie. Ian n’a pas perdu son sens de la mélodie qui percute. Toujours bien présente, sa flûte: à la moindre ligne mélodique, elle apparaît avec son style incomparable. Notamment sur «Shoshana Sleeping», titre qui monte progressivement en puissance, pour enchaîner avec «Sad City Sisters», ballade douce et acoustique agréable à l’oreille qui, comme souvent, fait ressortir le côté folk du groupe. Ce qui est frustrant c'est de ne pas retrouver les grandes fresques prog qu’ils affectionnaient dans les années 70; les titres sont beaucoup trop courts et comportent beaucoup trop de folk par rapport au prog. Les quatre derniers titres de l'album sont certes très bons mais encore plus calmes avec l'absence de batterie… Ian Anderson s'en explique par l'arrivée de la pandémie Covid, en disant qu'ils n'ont pas voulu prendre de risques vu leurs grands âges et que le batteur n'a pas de studio maison… Mr. Anderson, vu votre carrière, je ne voudrais pas être trop dur, mais à l’heure actuelle je ne trouve pas cette excuse valable. Il n'empêche que j'ai passé encore une fois un excellent moment avec ce «The Zealot Gene». Il n'est certes pas du niveau des «Aqualung», «Thick as a Brick», «Heavy Horses», mais il garde ce je ne sais quoi de magique, d’envoûtant, de captivant dans ses compositions.
Chapeau bas, messieurs, pour votre carrière et ce nouvel opus! J'espère le découvrir en live comme il y a maintenant quelques années (le 01/06/2007), dans une salle proche de Bruxelles, où vous m'avez laissé un souvenir inoubliable.
Écoutez ce « The Zealot Gene » et dites ce que vous en pensez…
Vespasien
https://open.spotify.com/artist/6w6z8m4WXX7Tub4Rb6Lu7R
19/03/2022
Manna/Mirage
Man Out Of Time
canterbury scene – 36:51 – États-Unis ‘21
Une floppée de copains sont venus donner un coup de main (enfin, plutôt de cordes, de vents, de maillets…) à Dave Newhouse pour ce quatrième album de Manna/Mirage (je vous ai parlé de «Face» il y a quelque temps), sur des compositions éparses: le Moondog-ien «What's The Big Idea» est initialement destiné aux Muffins, qui splitte en 2016 – «4 Steps Back», la grosse pièce de l’album, complexe et aux rythmes particulièrement ajustés, est un hommage au groupe, sur lequel on retrouve la basse de Guy Segers -, «World Song» doit nourrir le deuxième album de Diratz (de la Parisienne Carla Diratz – je vous ai aussi parlé de son «pRéCis.AiMaNt»), qui ne voit jamais le jour et «Fred's Dream» naît – littéralement – d’un rêve, la veille d’un concert de Fred Frith à Washington – et finalement il y pose un solo de guitare. Mais ma préférence va à «In For A Penny», nouveau morceau à l’affiliation sobrement Canterbury (la voix de Newhouse, les maillets percussifs de Rich O'Meara) et, peut-être pour sa frugalité enfantine (les marimbas), à «These Days» – et son délicat parfum qui évoque Robert Wyatt.
Auguste
https://davenewhouse.bandcamp.com/album/man-out-of-time
20/03/2022
PRP
No Pristine Rubbery Perception
progressive rock atmosphérique – 37:13 – Finlande ‘21
De nombreux groupes finlandais font dans le progressif atmosphérique et PRP ne fait pas exception à cette (quasi) règle. Ce projet est porté par Rami Turtiainen (chant, guitares, synthés, batterie) et Petteri Kurki (chant, guitares, basse, synthés, batterie), tous deux impliqués dans le projet art-rock Grus Paridae.
C’est par un court instrumental («Rubber Hands, Pt. 0 – Prelude of the Distant Past») que débute cet album sur un mode très introspectif. Rassurez-vous, le titre suivant, «Rubber Hands», est nettement plus énergique. Un excellent travail est effectué non seulement au niveau des vocaux («No»), mais également pour les orchestrations dans l’ensemble très riches (attachez-vous particulièrement à «Exp»). Une belle ballade à la guitare acoustique, «It’s Never Always», nous offre une respiration bienvenue. Vous noterez également que la piste bonus, «SunSon», débouche sur une sorte de psychédélisme électronique sur fond de basse vrombissante.
En définitive, voici un album enthousiasmant que vous découvrirez, j’en suis sûr, avec autant de plaisir que j’en ai eu à le décortiquer pour vous.
Tibère
https://prpprog.bandcamp.com/album/no-pristine-rubbery-perception
21/03/2022
Cecilia::Eyes
Sore Memories Always End
post rock (shoegaze, dream-pop) – 75:35 – Belgique ‘21
Cecilia::Eyes, groupe post-rock belge venant des plaines esseulées d’où le vent n’a pas de retenue, son planant où l’orgue vintage combat la batterie, où les guitares semblent laisser couler des notes d’avant création! Du post à la Sigur Ros, du son gras des Monkey3, de l’instrumental planant. Ils se définissent eux-mêmes comme «un subtil mélange de mélodies lentes et bruyantes», une rythmique douce mais trépidante amenant des climats apaisants sur des voix fantomatiques et ô combien structurantes. C’est le 5e album de ce quatuor constitué de Christophe Thys, Nicolas Denis, Pascal Thys et Gauthier Vilain.
Concernant les titres, dix de 5 à 10 minutes avec «Parenthesis» lorgnant du côté des Gathering époque indie-shoegaze. «Russian Tales» hypnotique, «Empty Rails» sur du Kauan austère et froid et des ballades sur des contrées immenses. «Missing Pieces» pour une errance voix féminine et Hipgnosis en toile de fond et le final réverbérant à nouveau sur The Gathering. «In A Blue Cold Cloth» rappelle de près les I Like Trains, de loin les Sigur Rós. «The Air Bride» termine l’album avec une révision de sonorités dépressives, batterie fine, guitare spleen et final romantique. Album qui baigne du son de leur fabrique avec les voix en plus.
Un groupe qui joue sur la sensibilité, sur l’état mental dans lequel vous vous trouvez; idéal pour méditer, pour se détendre, lire et remettre cet album en boucle. Un album sombre, gai pour se donner espoir en ces temps maudits, un superbe album dans son créneau musical mettant en vedette chaque note, chaque vague musicale comme une densité granitique au spleen incommensurable. Presque concept album par la trame musicale.
Brutus
https://ceciliaeyes.bandcamp.com/album/sore-memories-always-end
22/03/2022
Weserbergland
Sacrae Symphoniae nr. 1
krautrock – 39:48 – Norvège ‘22
Groupe d’Oslo, 4 albums, 2017: «Sehr Kosmisch, Ganz Progisch», 2020: «Am Ende der Welt» (avril), «Am Ende der Welt - Binaural» (mai), 2022: «Sacrae Symphoniae nr. 1».
Un seul mouvement, celui du chaos sonique et étouffant à la Conrad Schnitzler. Des influences post-rock à la GYBE font sentir leur angoissante présence. Très dissonant et très prenant. Mais la lumière et l’élévation ne sont pas loin. Bien que la folie à l‘origine des expérimentations du Professeur Brodsky (dans «Orange mécanique» de Stanley Kubrick) domine dans cette lave cosmique qui emporte tout sur son passage. Les sentiments, les besoins, les imperfections. «Une sorte de mort» («Orange mécanique» à nouveau). Une transe free jazz s‘impose alors. Très bruitiste et désespérée. Il ne semble pas possible de revenir vers des cieux plus cléments, comme une impression de devenir Winston Smith dans la «Salle 101» («1984» de George Orwell). La noirceur domine comme les rythmes Motorik. C‘est le plus sombre des krautrock sans cette fibre cosmico-comique à la Guru Guru (que j’adore par ailleurs). Le cerveau est perpétuellement sous tension avec toutefois quelques respirations spirituelles à la Popol Vuh. Et des moments lumineux rappellent Sigur Rós. Oui, c‘est là toute la qualité de cet album, cet alliage krautrock et post-rock. Avec un brin de noise music également. Et une belle alternance entre échappées planantes et passages plus musclés. Un voyage que je recommanderais volontiers. Heurté, changeant, émouvant, effrayant comme peut l‘être la vie. Eux aussi je souhaiterais les voir en live. Une intensité qui n’est pas sans évoquer Alex Henry Foster. Et une indicible beauté d’une permanence incontestée. Bouleversant. Merci à Weserbergland.
Fatalis Imperator
https://weserbergland.bandcamp.com/album/sacrae-symphoniae-nr-1-2
23/03/2022
Isobar
Isobar II
progressive rock instrumental – 43:59 – USA ‘21
J’ai déjà eu l’occasion de vous présenter, dans ces colonnes, le premier album éponyme d’Isobar (Isobar Music) sorti en 2020. On trouve à la barre les mêmes artistes que sur leur plaque précédente, y compris les invités!
C’est avec un plaisir évident que leur progressif instrumental viendra vous chatouiller intelligemment les oreilles (et les neurones car leur musique est en même temps belle, complexe tout en étant facile d’accès).
La longue suite «The Jury of Ten Men Suite», composée de cinq sous-parties, couvre à elle seule plus de vingt minutes de musique inventive et enthousiasmante. Le travail sur les claviers est tout simplement monstrueux, mais ne croyez pas que les guitares ou la batterie sont en reste, bien au contraire! Les passages tout en délicatesse cèdent le pas à des parties plus musclées mais toujours emplies de découvertes à faire pour l’auditeur attentif.
Le groupe a réussi d’énormes progrès par rapport à leur fournée précédente. Mais n’en déduisez pas pour autant que cette livraison était sans intérêt. Plongez-vous donc, comme moi, dans une écoute où le bonheur de mélodies entraînantes le dispute à des orchestrations très travaillées.
Tibère
https://isobarprog.bandcamp.com/album/isobar-ii
24/03/2022
Hábitat
Hans, La Niña y el Príncipe
progressive rock/RPI/vintage – 35:47 – Argentine ‘21
Voici un hommage sud-américain au RPI (rock progressif italien), genre très apprécié là-bas, ainsi PFM y allait tous les 2 ans.
Hábitat est un groupe bâti autour du multi-instrumentiste Aldo Penelli, auteur solo de 6 albums. Ensemble, ils ont déjà publié 5 autres albums depuis 1998. Ce sixième est principalement un cover hispanisé de 4 morceaux des 3 géants: PFM, BMS et Le Orme, ainsi que 2 autres de Fiaba et Celeste. Le 7e et dernier, en bonus track, est une création «Por obra del sol». Cette piste est la plus intéressante de l'album, même si les transitions durant les 7:20 sont parfois abruptes. Je vous invite à aller écouter le reste de la production propre du groupe (en 2010, par exemple) qui – bien que l'on retrouve déjà «Juego de ñiña» de Le Orme – est bien meilleur que ces honorables reprises (pour l'amoureux de RPI que je suis).
Mais revenons à cet album qui possède certains charmes; ainsi les reprises de PFM se posent en licornes, combien de morceaux de prog ont été publiés en 3 langues? PFM chantant déjà certains de leurs morceaux en anglais et en italien! Plus difficiles les reprises des groupes dont les chanteurs sont des virtuoses Tagliapetra/Le Orme et Di Giacomo/BMS. Les 2 pistes reprises à Fiaba et Celeste sont très cohérentes et agréables aussi. L'ensemble reste un bel hommage réalisé par des passionnés, qui plaira principalement aux admirateurs collectionneurs du genre.
Cicero 3.14
https://proyectosaldopinelli.bandcamp.com/album/h-bitat-hans-la-ni-a-y-el-pr-ncipe-2021
25/03/2022
Angipatch
Delirium
rock progressif théâtral – 75:10 – France ‘21
Certaines personnes ont travaillé durement pour que cette réédition CD du second 33 tours d’Angipatch, «Delirium», voie le jour. Je songe à Bernard Prévost mais aussi Pascal Sauriat, auteur du superbe livret de 20 pages, et Hubert Allusson pour l’interview spécialement obtenue pour cette réédition augmentée de six titres par rapport à l’original, dont le titre «Star» proposé ici en deux versions, celle du 45 tours et une version longue, plus apte à satisfaire les appétits progressifs, quoique... Angipatch, c’est une de ces nombreuses formations à être apparues à la toute fin des années 70, voire pour certaines au tout début des années 80. Pratiquant un rock progressif alors à bout de souffle, évoquant bien souvent Mona Lisa par des textes à l’ordre du jour de l’époque, ce gang de Lyonnais a eu le temps de sortir deux albums: «Vie» en 1980 et donc «Delirium» en 1981, mais aussi un deux titres précurseur en 1976, «Rêves/Terre des Vilains». Nombre de ces groupes, en pleine ébullition punk puis new wave, ont persévéré dans un prog’ qui semblait alors démodé, voire archaïque, un fait résultant bien souvent d’influences ayant bercé leur adolescence mais désuètes une fois parvenu le temps de composer et d’enregistrer. Il n’en reste pas moins que de nombreux albums ont pu voir le jour malgré tout et font encore, aujourd’hui, le bonheur d’amoureux de ce style de prog’ à la française, bien souvent imbibé de chant théâtral et d’un maniérisme limite outrancier chez certains. Une fois que je vous ai brossé le tableau d’un genre à part entière et dont je suis un friand consommateur, il faut se pencher sur «Delirium» qui ne restera pas comme la meilleure œuvre du genre mais offre cependant sa bonne dose de claviers contrebalancés par un usage de percussions limite new age, ben oui, on est en plein dedans, ça joue! Une impression tiède que j’avais déjà à l’époque cependant mais tout n’est pas à renier et l’apport des six morceaux bonus n’ont pas joué dans mon appréciation mitigée qui date de 40 ans! J’en reviens pourtant à la pièce de résistance, le morceau-titre «Delirium», fort de ses 18:45, dispatché en six tableaux, très proche de Mona Lisa par la voix de Daniel Gandrey et la manière de jouer de ses quatre compères, André Paccoud (guitares), Christian Bettoum (claviers), Gilles Masson (basse) et François Ceggara (batterie/percus). Parfois on pense à... Human League, oui, je sais, c’est étrange mais les anciens qui connaissent, ne pourront me contredire... L’époque, j’vous dis! Un progressif du terroir typé 80/81, doté d’une authenticité artisanale pour un concept album basé sur l’écologie et la folie, qui place cet album à droite du «Moteur!» de Ange, sorti la même année, et d’ailleurs tous deux mixés au studio Maison Rouge à Londres! Les accords synthétiques et une urgence énervée y font loi, ce n’est pas «Prophéties ‘83» qui me désavouera... Un excellent instrumental finit l’opus, «Le dernier voyage», qui trouvera sa place dans le cœur des progsters. Au fait, Angipatch vient de l'association des deux premières lettres du prénom de chaque membre...
Commode
26/03/2022
NichelOdeon/InSonar & Relatives
INCIDENTI (Lo Schianto)
avant garde – 76:46 – Italie ‘21
S’il est une chose dont la musique de Claudio Milano ne manque jamais, c’est de personnalité. Elle peut s’avérer exigeante (toujours guidée par la curiosité), pointilleuse (écrite pour différents plans de perception), déconcertante, mais son exploration des potentialités expressives, entre mondes sonore, opératique et théâtral, sa recherche incessante de territoires, sinon vierges en tout cas peu explorés, son acharnement à provoquer les rencontres (ce treizième album accueille 44 musiciens d’horizons multiples: classique ancien et contemporain, rock, jazz, électronique, ethnique…) sont encore magnifiés ici par la mise en commun des projets: «Not Me» (musique contemporaine, qui ne dédaigne ni l’électricité ni l’électronique), «NichelOdeon» (musique théâtrale expressionniste, qui puise à toutes les sources), «InSonar» (musique aux timbres multiples, qui se nourrit auprès des précurseurs de l’électronique, Maurice Martenot et Leon Theremin) et «This Order» (musique gothique et théâtrale, qui s’inspire autant de l’avant-garde historique que de la dark wave), tous dirigés vers la recherche de nouvelles formes d’expression sonores. Album d’un aventurier de la voix (dans la tradition de Cathy Berberian, Meredith Monk ou Maude Trutet), «INCIDENTI (Lo Schianto)» est un disque de rupture, qui dresse fiévreusement les uns contre les autres mélodies, harmonies et styles, un disque de contrastes qui alimente le feu entre atonalité et chant rock, un disque qui, au bout de sa furie, nous laisse avec un silence époustouflant.
Auguste
https://claudiomilano.bandcamp.com/album/incidenti-lo-schianto
27/03/2022
Within Progress
Inner
progressive metal symphonique pop – 64:41 – Grèce ‘21
Voilà un beau premier album. La Grèce nous propose rarement des formations de métal progressif mélodique, c’est donc une excellente surprise.
Within Progress nous propose un métal progressif à la Dream Theater, avec le côté symphonique d’un Epica ou d’un Nightwitch avec une touche AOR, pratiqué par des groupes scandinaves comme Treat encore Eclipse.
Envolées de solos basse/batterie, solos de guitare permanents et envolées de claviers sont au programme de ce «Inner». À noter, pour ce dernier instrument, par moments des mélodies «orientales» qui donnent une touche «hellénique» à l’ensemble.
Tout dans cet album paraît simple et évident tant la complexité est ici cachée; point de démonstrations inutiles ici, c’est la mélodie que l’on sert, non l’égo.
Cet album de Within Progress est une réussite totale, la Grèce nous offre ici un magnifique band.
Reste plus qu’un label digne de ce nom se penche sur le berceau, et c’est d’un colosse que la terre d’Homère aura enfanté.
Tiro
https://withinprogress.bandcamp.com/
28/03/2022
Gabriel Keller trio
Clair Obscur
progressive rock presque metal – 49:10 – France ‘22
Oh! mais quel bel album que voici! On sait faire ça en France?! Devant mon étonnement teinté d’ironie, je suis tombé en pamoison devant le talent soudain surgi de la région lyonnaise avec ce trio peu commun, deux filles et un garçon sous le patronyme qui me fit songer avant écoute à une formation jazz, le Gabriel Keller Trio. La voix juste merveilleuse de Charlotte Gagnor, le violoncelle étincelant de Lucie Lacour et la guitare ensoleillée de Gabriel Keller vont faire des heureux du côté des fans du Mostly Autumn des premiers albums. Je fais cette comparaison pour situer à quoi vous attendre, mais ce serait injuste de résumer l’émerveillement global qui m’étreint à l’écoute approfondie de cette première œuvre tout en nuances élégiaques, aux charmes de la formation du Yorkshire. La magie s’écoule ici avec une grâce naturelle, fermez les yeux, la musique du GKT est comme une clairière au petit matin, quand les premiers rayons percent la frondaison et inondent doucement la végétation et ce petit cours d’eau qui serpente dans la terre moussue. Bon, voilà l’effet que me fait «Clair Obscur»! C’est évocateur pour celui qui l’écoute mais vous voyez où je veux en venir. Le trio offre d’emblée un premier album d’une insolente beauté fragile, les influences citées sont Pink Floyd, les Beatles, Opeth et Porcupine Tree, mais si j’y trouve quelques réminiscences de-ci de-là (surtout Opeth sur la fin), j’en reviens pourtant vers Mostly Autumn, Clannad ou Iona. On sent une forte coloration «classique» dans l’art de composer; le superbe «Melancholia», par exemple, ce violoncelle qui a su trouver sa place près de la guitare de Keller, une marque de fabrique qui n’a que peu d’égales dans le monde du prog’ (E.L.O. lol...). Quant à la voix de Charlotte Gagnor, c’est de l’or, une rivière de diamants qui s’écoule sur toutes les gammes, parfois voilée, souvent éclatante, un véritable troisième instrument qui se permet des audaces vocales enchanteresses. Parfois, des rudesses metal viennent se complaire sans dénaturer le sujet au sein de morceaux enchanteurs, «Melancholia» ou «Nothing Human», qui ne déplairont pas aux amateurs de metal symphonique, mais encore le flamboyant «Honey». Bien sûr, pour débarquer ainsi au sein du monde progressif, il faut avoir travaillé, vu le degré d’excellence à tous les niveaux, il est évident que les trois complices ont de solides bases et ont connu une vie «d’avant» en composant, jouant, chantant au sein d’autres formations non prog’. Mais les chiens ne font pas des chats et on comprend mieux pourquoi ce premier disque est aussi bon. «Clair Obscur» finit d’ailleurs très fort et penche vers un metal prog’ opulent sans la part d’esbroufe habituelle, bourré d’idées ingénieuses comme le chant presque «rappé» sur «Honey»... Des idées à revendre et des frontières musicales abolies, voici ce que nous distille le Gabriel Keller Trio, procurant ainsi des frissons inédits, un autre rock progressif est possible malgré les influences et là, c’est en plein dans le mille!
Commode
https://gabrielkeller.bandcamp.com/
29/03/2022
Procosmian Fannyfiddlers
Astonishing Tales Of Cod And Plankton
progressive rock humoristique – 35:53 – Norvège ‘21
Procosmian Fannyfiddlers s’est formé à Trondheim en 1995 et est composé de plusieurs individualités distinctes, à savoir Heidi Larzen (chant), Øyvind Eriksen (chant), Geir Venom Larzen (guitares, batterie, percussions, chœurs), Erik Andas (basse), Mette Jensen (flûte, chœurs), Bente Marit Ekker (violon, chœurs), Espen Warankov Godo (claviers, chant), Yngve Hasnes (trombone, chœurs) et Rune Larsen (accordéon). Ensemble, ils pratiquent un progressif peu respectueux des codes en vigueur et c’est tant mieux!
Si l’on trouve des instruments classiques comme le mellotron, ils intègrent, vous l’avez lu, violon, trombone ou accordéon, le tout saupoudré d’un humour, heu, pipi/caca dans les paroles qui ne peut que nous réjouir (je n’en veux pour preuve que le titre «Lady Dung», comprenez Lady Crotte).
Des détournements de titres emblématiques de notre style de prédilection sont également à l’honneur, ainsi «Still… You Still Turn Me On» d’ELP devient chez eux «Still… You Still Turn Me Off»!
Mais rassurez-vous, nos énergumènes savent jouer comme des pros qu’ils sont et les échos à des choses connues comme Frank Zappa, Genesis, King Crimson, Curved Air, Yes ou Jethro Tull (la flûte!).
Ce n’est pas tous les jours que l’on peut rire sans perdre la face en écoutant du rock progressif. Faites donc comme moi: je me replonge dans leur discographie (il y a dix albums avant celui-ci) car je ne connaissais que leur précédent «Happy Accident», sorti en 2017.
Tibère
https://procosmianfannyfiddlers.bandcamp.com/
30/03/2022
Andrew Roussak
Crossing the line
progressive rock/néo-prog – 55:38 – Allemagne (Russie) ‘21
Andrew est assurément bon compositeur et interprète; sa formation russe classique doit y être pour beaucoup. Sur son jeu de claviers, on pourrait citer Emerson, Wakeman, sauf qu'il joue aussi guitare, basse, batterie et chante. Dès «Invisible Killer» où sa voix fait un peu penser à Ron Maël (Sparks) avec des pointes de Peter Hammill, les chœurs louchent vers Queen, le tout servant un bon prog nerveux, foisonnant d'instruments dans un ensemble déjà très souvent balisé, mais les belles parties de claviers, piano et moog, entre autres, relèvent l'ensemble.
«Crossing The Line», qui démarre avec un piano «classifiant» et reprises aux synthés/orgues, poursuit dans la même verve; on a bien affaire à un album composé par un claviériste.
«Against The Tide» le bien nommé, à contre-courant démarre par une guitare nerveuse et une voix définitivement Maël. Il propose une approche un peu différente, les claviers se font nappes dans la première partie du morceau. Puis, après une très belle intervention au piano, le premier solo de guitare de l'album nous en fait espérer d'autres; le tout est chatoyant.
«Nation For Sale»: guitare nerveuse, aussi, en parallèle avec les claviers, pour une piste alternant puissante et légèreté, mais dont la succession de mélodies parfois jazz rock ne parvient pas à convaincre malgré une belle basse plus présente que jamais.
«Daily Lies», après une appétissante intro, nous livre un argument de Jethro Tull «Living in the Past» (non crédité) pour en sortir... plus ou moins.
«Just One Life» propose une alternance de jolis chœurs sur nappes et piano, avec une guitare saturée pour un morceau où les claviers se déchaînent superbement.
Enfin, le final néo-classique, crédité à Jean-Philippe Rameau, avec son clavecin, souffre d'une rythmique trop peu raffinée au regard du morceau; dommage car les 11 minutes en pâtissent un peu.
Malgré cela, voici donc un beau 4e album, d'un one-man band qui mérite largement l'écoute, même s'il est moins novateur que Tubular...
Cicero 3.14
https://andrewroussak.bandcamp.com/album/crossing-the-line
31/03/2022
KADAVAR & Elder
ELDOVAR: A Story of Darkness & Light
rock/folk/psyché/krautrock – 44:39 – International ‘21
Virus et confinements ont donné l’occasion aux formations qui en avaient la possibilité de travailler en studio et de proposer quelquefois des choses tout à fait intéressantes. Le groupe berlinois Kadavar s’est ici associé aux Américains de Elder pour créer un super projet du nom de ELDOVAR.
Et autant vous le dire toute suite: cet opus est une réussite! Un disque éblouissant. Rock progressif et alternatif, guitares zeppeliniennes forment un cocktail des plus jouissifs!
Équilibre parfait entre la force physique de l’un et l’atmosphérique de l’autre font de cet album un incontournable du moment. Une musique qui éveille tous nos sens d’une liberté artistique totale.
Voilà un «super» groupe qui renoue avec les véritables valeurs du style «progressif» sans être passéiste. La magie et l’émotion transpirent tout au long des 45 minutes de cet album.
«A Story Of Darkness & Light» est une œuvre qui révèle ses secrets à force d’écoutes et qui dégage une vraie force introspective si l’on arrive à se couper du monde pour se plonger dedans.
Un disque indispensable!
Tiro
https://kadavarberlin.bandcamp.com/album/eldovar-a-story-of-darkness-light