Juin 2024
- 01/06/2024 : Can - Live in Paris 1973
- 02/06/2024 : Arcane - Poseidon
- 03/06/2024 : Sounds Of New Soma - Fluxus 2071
- 04/06/2024 : Karkara - All is Dust
- 05/06/2024 - The Chronicles of Father Robin - The Songs & Tales of Airoea – Book 3: Magical Chronicle (Ascension)
- 05/06/2024 : Slawowycz & Julien Ash - Les Alchimistes
- 06/06/2024 : Gert Emmens et Ruud Heij - Mysterious Events
- 07/06/2024 : Cen-ProjekT - Aracane Sonic
- 08/06/2024 : The Raging Project - Future Days
- 09/06/2024 : Sunface - Cloud Castles
- 10/06/2024 : Julien Thomas - Perrons | Farne
- 11/06/2024 : Luca Zabbini - Cinematic Stories
- 12/06/2024 : Habitants - Alma
- 13/06/2024 : Modern Stars - Termination
- 13/06/2024 : EBB - The Management of Consequences
- 14/06/2024 : Slift - Ilion
- 15/06/2024 : Last in Time - Too Late
- 16/06/2024 : Micado - SculptureS
- 17/06/2024 : White Willow - Ex Tenebris [réédition]
- 18/06/2024 : The Cortina Protocol - The Cortina Protocol
- 19/06/2024 : Peter Gabriel - Back to Front - Live in London
- 20/06/2024 : Mark Knopfler - One Deep River
- 21/06/2024 : Vlyes - Why
- 22/06/2024 : Gert Emmens & Ron Boots - Lost in Depths of Desolation
- 23/06/2024 : Le Orme - Il Leone e la Bandiera
- 24/06/2024 : Chafouin - In C
- 25/06/2024 : Michael Brückner - Threequences
- 26/06/2024 : Moto Armonico - Wondering Land
- 27/06/2024 : Full Earth - Cloud Sculptors
- 28/06/2024 : Pictures On Silence - Mental Haze
- 29/06/2024 : Sykofant - Sykofant
- 29/06/2024 : Sykofant - Sykofant [2e avis]
- 30/06/2024 : André Duchesne - Ch'val
01/06/2024 : Can - Live in Paris 1973
Can
Live in Paris 1973
krautrock - 91:14 - Allemagne 1973
Parmi les musiques qui, à la fois, se positionnent comme particulièrement nouvelles au moment de leur création et font preuve d’une résistance au temps suffisante pour que leur (ré-)édition 50 ans après suscite encore trouble et émoi, Can, groupe de rock expérimental fondé, à Cologne en 1968, par des musiciens issus de l’avant-garde et du jazz, pionnier de la scène krautrock, chaudron en ébullition aux ingrédients pris dans le psychédélique (c’est l’avant-plan du rock à ce moment), le contemporain (Holger Czukay et Irmin Schmidt suivent tous deux l’enseignement de Karlheinz Stockhausen), la musique concrète (Pierre Schaeffer édite deux ans plus tôt son «Traité des objets musicaux», dans lequel il aborde en profondeur musicologie, acoustique et philosophie des musiques expérimentales), les rythmes nord-africains et le minimalisme répétitif des précurseurs américains Steve Reich et Terry Riley, Can, donc, trace une voie (sinueuse, alambiquée et pourtant…) où les sons, qui semblent jetés au hasard avant de s’organiser peu à peu comme mus par une vitalité propre, forment un amalgame halluciné, dont on distingue difficilement début ou fin, prototype de l’improvisation inspirée de l’instant, où tripes et neurones conversent mystérieusement, insouciants du temps (ce 12 mai 1973, le groupe démarre par un morceau de plus de 36 minutes) ou du lieu (l’Olympia de Paris): cinq pistes, titrées selon l’ordre de présentation, dont trois («Zwei», «Drei» et «Fünf») se basent sur trois pièces préexistantes («One More Night», «Spoon» et «Vitamin C», toutes présentes sur «Ege Bamyasi», disque de 1972 sorti peu avant le concert dont ce disque est le témoignage), cinq pistes entre les mains d’Irmin Schmidt, Holger Czukay, Michael Karoli, Jaki Liebezeit et Damo Suzuki qui documentent une créativité hors du commun.
Auguste
https://canofficial.bandcamp.com/album/live-in-paris-1973
https://www.youtube.com/watch?v=gIpzlS2xsUc
02/06/2024 : Arcane - Poseidon
Arcane
Poseidon
melodic synth / synthwave / Jarre - 42:32 - Royaume-Uni 2024
Paul Lawler de son vrai nom a décidé de renouer avec la musique électronique mélodique de ses débuts, comme il le dit lui-même, et replonger dans ce qu’il créait quand il a commencé sa carrière de synthétiste. Initialement, vous en serez étonnés, il a joué de l’euphonium dans des fanfares. Il était même le plus jeune musicien de la catégorie, alors seulement âgé de seize ans. Né en 1971 à Manchester, il débute donc professionnellement dans un brassband et compose, dès 1997, des bandes originales de films, de jeux vidéo, de publicités et de documentaires, entre autres pour la BBC. Il est alors membre du Hall Orchestra de cette même institution. Il adopte ensuite deux pseudonymes: Arcane et Max Van Richter que l’on ne confondra pas avec l’Allemand Max Richter. Synthétiste talentueux, il utilise divers Moog, l’ARP 2600 et autres claviers Roland et Korg, pour ne citer que ceux-ci. Cascade de notes aériennes en intro («Introduction») sur un rythme vitaminé doublé d’une ambiance dramatique. On sent son inspiration de créateur de musiques de films. On découvre ensuite des sonorités cousines tant soit peu de Kraftwerk dans les teintes d’un «Autobahn» («Gemini»). Mais plusieurs compositions louchent surtout et plus qu’assurément vers les sonorités de Jean-Michel Jarre, avec d’abord «Juno» qui recrée toutes les textures musicales du compositeur français (on évoque tout de suite «Oxygène», «Équinoxe» et les «Chants Magnétiques»). La plage éponyme joue dans un registre quasi néo-progressif par ses envolées orchestrales bluffantes. «Apophis» se fait d’entrée plus angoissant avant de nous plonger dans un univers mystérieux coulé sur un tempo lent où viennent cascader des séquences plus rapides, drapées d’échos lointains. «Orbiter» renoue sans coup férir avec la galaxie Jarre ainsi que «Moonshot» qui se colore de voix synthécélestes. Mélodique et dansant. Excellent pour qui aime le style, loin des séquenceurs allemands de Düsseldorf ou de Berlin. Mais le vrai morceau de bravoure de l’album, la véritable perle qui m’a fait frissonner de plaisir, se nomme «Phoenix»; une extraordinaire composition d’une lumineuse beauté qui scintille d’un éclat adamantin presque symphonique et assurément dramatique dans le beau sens du terme. Une montée en puissance des plus exceptionnelles. Alternance d’accalmie et de douceur qui évoque des notes néo-progressives du registre de Galleon, nappée de majesté propice aux frissons épidermiques. Le dernier morceau («Lift Off»), anecdotique en ce qui me concerne, flirte avec la dance du genre Giorgo Moroder, mariant des cuivres à la guitare et aux claviers. Plus proche à nouveau des BO d’anciennes séries télévisées américaines ou d’un James Bond inédit. Était-ce une bonne idée de fermer l’album sur ces notes? L’artiste reste roi dans sa création et respectons son choix.
Clavius Reticulus
https://paullawler.bandcamp.com/album/poseidon
03/06/2024 : Sounds Of New Soma - Fluxus 2071
Sounds Of New Soma
Fluxus 2071
néo-krautrock / électronique psychédélique - 42:08 - Allemagne 2023
Ils sont deux à fourbir leurs instruments pour produire les Sounds Of New Soma; enfin c’est une façon de parler puisque Alex Djelassi et Dirk Raupach génèrent leurs sons électroniques (y compris, par exemple, la guimbarde dans «Bunte Motten») à partir de machines qui délaissent le bois et le métal pour le plastique et le silicone – le saxophone de Steffen Gründel (les lèvres et le souffle du copain vivant invité) est l’exception acoustique de ce monde synthétique, qui s’inscrit dans la tradition allemande du krautrock (le motorik «Lord Helmchens Keksmaschine»), revisité à l’aune de la modernité. Le titre de ce douzième album fait explicitement référence à Fluxus, ce flux artistique (qui se définit comme un non-mouvement d’anti-art) touche-à-tout (art visuel, musique, littérature, spectacle vivant…), dadaïste et zen, jailli des années 1960 au travers de happenings, events et publications (entre autres), initié par le cours de John Cage à la New School for Social Research auxquels se trouvent Yoko Ono (plasticienne, performeuse et égérie de John Lennon), La Monte Young (compositeur minimaliste rêvant de musique éternelle) ou George Brecht (artiste conceptuel et chimiste pour Pfizer ou Mobil Oil); référence très indirecte puisque la musique du duo, planerie catchy bien fichue et agréable à l’oreille, est aux antipodes des happenings destroy et dérisoires de Fluxus.
Auguste
https://soundsofnewsoma.bandcamp.com/album/fluxus-2071
https://www.youtube.com/watch?v=ctvoqd5C_CY
04/06/2024 : Karkara - All is Dust
Karkara
All is Dust
rock psychédélique - 43:00 - France 2024
Formé en 2019 à Toulouse, Karkara est un groupe de rock psychédélique, composé de Karim Rihani (guitare/chant), Hugo Olive (basse/synthé) et Maxime Marouani (batterie/chant), qui a déjà sorti deux albums: «Crystal Gazer» en 2019 et «Nowhere Land» en 2020. Influencé par The Oh Sees, King Gizzard, King Crimson et Black Sabbath, le trio délivre un rock psychédélique à la fois furieux et hypnotique. Des amplis saturés, des tambours et des voix qui mélangent la mélancolie douce avec une rage désespérée.
Karkara nous emmène dans une histoire post-apocalyptique décrivant un monde dévasté par l'humanité qui a puisé jusqu'aux dernières ressources de la planète, sujet d’actualité donc. On y suit un homme essayant de fuir sa condition, à la recherche d'un lieu utopique «Anthropia».
Les six pistes de l'album, correspondant aux six chapitres de l'histoire, racontent le déroulé de cette quête infernale de violence, de lutte et d'hallucinations vers un Eldorado, que nous découvrons à la fin, sur la dernière piste de l'album «All Is Dust» dans lequel le groupe se plait à mélanger les styles, accords flamenco et solo de trompette jazzy de Simon Barrière.
À grand renfort de wah-wah et d’electro répétitif enveloppé dans des sons moyen-orientaux, le groupe met le voyage et la transe au cœur de l’album avec une musique multiculturelle et immersive et qui vous emportera d’une piste à l’autre, du psychédélique «Moonshiner», dans lequel la rythmique soutenue de la batterie et de la basse laisse la part belle aux synthétiseurs, aux chants et aux thèmes de guitare sidéraux, jusqu’au stoner avec «On Edge», en passant par le heavy kraut de «The Chase» où le saxophone de Jérome Biévelot vient se confronter aux larsens de guitare.
Ils étaient le 11 avril à Lille (La Bulle Café) et le 13 avril à Bruxelles. Ils reviendront!
Publius Gallia
https://karkara.bandcamp.com/album/all-is-dust
https://www.youtube.com/watch?v=Ts_5QCNKTBs
05/06/2024 - The Chronicles of Father Robin - The Songs & Tales of Airoea – Book 3: Magical Chronicle (Ascension)
The Chronicles of Father Robin
The Songs & Tales of Airoea – Book 3: Magical Chronicle (Ascension)
hommage progressif vintage - 34:22 - Norvège 2024
Lorsqu'un nouveau septet, composé de musiciens renommés, annonce, comme première œuvre, un triple album dont la sortie s’échelonnera sur quelques mois, c'est intriguant, une telle accumulation avant publication. Mais quand arrive le dernier opus, il y a déjà un peu de tristesse tant la qualité des 2 premières publications était enthousiasmante. Nos 2 précédentes chroniques en ont fait écho. Mais il va falloir se quitter.
Et ce sera en beauté, l'initial morceau titre étant une explosion sonore: guitare sèche et flûte, rejoints par des chœurs polyphoniques à la manière des gentils géants. Et le reste à l'avenant. Syncopes et tempos variables répondant aux voix en canon et aux flûtes vagabondes de Regin Meyer, avant une reprise en main des guitares, elles aussi passant du chorus au canon. Génial!
Ma chronique ne sera jamais assez magique pour vous dépeindre ce que vous pourriez écouter si vous suiviez les liens fournis! La magie se poursuit avec «Skyslumber», après une intro climax et un chant très flower power, la voix haut perchée d'Andreas Prestmo (et les chœurs d'Aleksandra Morozova) évoquent le meilleur de Yes dans les chorus de voix, dans ce groupe où quasiment tout le monde participe aux chœurs. J'y ai même entendu le «movement» de «The Revealing Science of God».
«Cloudship» poursuit dans ces harmonies vocales célestes sur une guitare sèche qui tricote à toute vitesse. Du pur bonheur.
«Empress of the Sun» est plus rythmé. Les guitares se sont électrifiées. 4 minutes à 100 km/h! Retour au calme avec la guitare folk, probablement accordée en open tuning tant elle fait penser au Jimmy Page acoustique; en dessous, la basse de Jon André Nilsen chaloupe, obsédante, le chant se fait orientalisant. «Lost in the Palace Gardens» clôt, presque. L'«Epilogue» maritime et venteux nous laisse, échoués sur la grève.
Alors, s'il te plaît, Father Robin, reviens très vite nous raconter de nouvelles et merveilleuses histoires prog vintage, car, comme pour les 2 autres «Books», c'est triplement indispensable!
Cicero 3.14
https://fatherrobin.bandcamp.com/album/the-songs-tales-of-airoea-book-iii
https://music.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nMhXDHsQWasu63c2FaG8WDcYYRM5sZuP8
05/06/2024 : Slawowycz & Julien Ash - Les Alchimistes
Slawowycz & Julien Ash
Les Alchimistes
ambient - 25:21 - France 2024
Le beatmaker franco-ukrainien Slawowycz et l’artiste Julien Ash se sont associés pour mixer un album entièrement instrumental: «Les Alchimistes». Il en résulte une plante (parfois aux vertus médicinales) pour chaque titre. On débute zen, sur l’herbe avec «Asphodèle». «Millepertuis» nous emmène sur un air médiéval où apparaissent des claquements et autres percussions accordés comme pour un spectacle de danse. Les deux musiciens sont accompagnés de Aloïs L. aux violons pour amener des sonorités douces et mélancoliques («Lycoperdon») ou lentes et sombres (première partie de «Tillandsias»). Mais il peut y avoir aussi des rythmes tribaux («Varech»). Certains apprécieront ce voyage musical.
La Louve
https://slawowycz.bandcamp.com/album/les-alchimistes
https://www.youtube.com/watch?v=uYs5PraoUGg
06/06/2024 : Gert Emmens et Ruud Heij - Mysterious Events
Gert Emmens et Ruud Heij
Mysterious Events
Berlin School / spatial - 209:34 - Pays-Bas 2024
Il serait tentant de présenter l’un après l’autre les événements mystérieux de ce triple album, mais nous serions partis pour une chronique de dix pages. Tout le monde a entendu parler du crash d’OVNI de 1947. Notre duo a choisi une combinaison de séquenceurs doux que couvrent des chœurs séraphiques, en attendant l’arrivée d’une batterie pour une plage pleine de rebonds. D’une manière générale ce sera un peu le schéma de chaque composition avec les nuances propres au sujet traité. Échos et chœurs synthétiques, séquenceurs schulziens, le ton est à la mélancolie pour le désastre de Mohenjo, la plus grande cité disparue de la vallée de l’Indus. Une composition à l’avenant pour ces lumières étranges qui dansent à la tombée de la nuit dans le ciel de la petite ville de Marfa, au Texas. Un ballet aérien récurrent parfaitement traduit par une partition spatiale ambient sans le moindre arpégiateur. On navigue une fois de plus dans les eaux du grand Klaus pour l’expérience de Philadelphie qui a très mal tourné. Séquenceurs enjoués, mélodie ponctuée de batterie et de notes construites en reverb. Sonorité aérienne, ambient mélodique et rythmes hypnotiques au menu. Les vingt-sept minutes permettent ici un développement serti des nuances dramatiques idoines. La deuxième rondelle du digipack est entièrement consacrée au triangle des Bermudes qu’il ne faut pas non plus vous présenter. Démarrage planant avant des séquences très proches des albums de l’époque Virgin de Tangerine Dream. Longues notes immersives sur un tempo soutenu. Les phrasés schulziens reviennent ensuite avec un jeu de batterie qui ne laissera pas d’évoquer «Moondawn». Les tableaux atmosphériques et plus rythmés vont se succéder tout au long de ces 73 minutes en dosage parfait. Le troisième volet s’ouvre sur le fameux «impact» astéroïdien en Sibérie en 1908. En fait, probablement la désintégration d’un météoroïde [objet céleste de taille plus petite qu'un astéroïde mais plus grande qu'une météorite, ndlr] de la puissance de 1000 bombes de type Hiroshima à 10 km de la surface de la Terre. Séquenceurs pétillants et coulis synthétiques rêveurs se marient pour la cause. L’arpégiateur décompose le mouvement pour mieux en recoudre des arabesques ascendantes. Une spirale envoûtante de bout en bout. Un cumulonimbus de 20 km de haut engendre régulièrement des orages au-dessus des îles Tiwi en Australie. Phénomène nommé Hector. Un démarrage en douceur moirée suivi de séquenceurs veloutés qui se multiplient et construisent une mélodie lumineuse où une batterie viendra se greffer pour ajouter un côté un peu rock dans une construction qui reste BS. Puissant. Ensuite, l’île de Bermeja qui se trouvait à 100 km au nord du Yucatan a été subtilement gommée de la carte par les USA puisque dépendant à l’origine du Mexique et riche en pétrole. L’île a sans doute été détruite par les fils de l’Oncle Sam, mais le plus curieux c’est qu’on n’en trouve aucune trace en profondeur. La composition est à l’avenant: mélancolie océane avec quelques reflets d’onde Martenot. Les séquenceurs évoquent cette fois Manuel Göttsching («Dream & Desire»): feutrés et tout de basses vêtus. «Atlantis» ne surprend pas par sa partition ambient spatiale et ses séquences presque vocales en écho, bribes fantômes de présences spectrales. D’origine sentiente extraterrestre? Le signal du Sagittaire (la constellation, pas le signe du zodiaque) a fait pousser un «Wow!» à Jerry Ehman du centre d’observation SETI. Un bref signal venu du fond du cosmos. Le répétitif musical en leitmotiv exprime parfaitement la chose, batterie et séquenceur à l’appui. Ajoutez-y quelques doux arpèges de piano en reverb. Et comment ne pas clôturer en parlant mélodiquement des «Crop Circles»? Au total, un triptyque le plus souvent poético-mélancolique qui invite l’auditeur à rêver et peut-être à croire aux mystères qui l’entourent, passés, présents et… futurs? Superbe comme toujours notre duo.
Clavius Reticulus
https://gertemmensruudheij.bandcamp.com/album/mysterious-events
https://www.youtube.com/watch?v=96AhlHIo_KQ
07/06/2024 : Cen-ProjekT - Aracane Sonic
Cen-ProjekT
Aracane Sonic
néo / rock progressif / symphonique - 51:59 - Allemagne 2024
Cen-ProjekT c’est Chris Engels, musicien prolifique qui sort des albums dès 2019 (celui-ci est le 10e); une recherche musicale et des textes sur la nature, notre passage sur Terre, un moment capté et mis en lumière. Un son à part flirtant sur les 70-80 pour n’en garder que la saveur, le sang progressiste et sortir un rock crossover moderne contemplatif.
«Life´s game» synthés typés Jarre, clavier des Purple, mise en bouche symphonique dithyrambique, Wolfgang maltraite sa basse et Chris lance un solo clavier à la Banks; intro parfaite avec une orchestration fournie, variée au son gras, le dub et la basse folle; l’une des plus belles intro de cette année, c’est dire. «The Final Days» arpège guitare, son cristallin avec flûte gabrielienne, le plus ce côté grandiloquent, solennel avec chœurs et puissance sonore au refrain alors que le couplet reste feutré; la montée finale jouissive avant l’explosion. «Kate» en mid-tempo avec un clavier vintage envahissant et la voix sombre hypnotique; le break pose le climat néo-prog avec base heavy prenante pour une sensation hypnagogique. «A glimpse of hope» acoustique guitare en cascade vite accompagnée du clavecin et de la voix typée de Chris, ambiance métronomique avant la montée sirupeuse; trompette champêtre et final chaleureux avec les instruments qui gonflent et enflent l’air avant de redescendre faisant frissonner. «Conrad´s anger» plus rythmé avec Marius magistral et Chris souverain sur cette entrée symphonique; le climat retombe avec l’empreinte redondante de Chris et son phrasé si particulier; une montée retenue avant le solo clavier génésisien guimauve style «Burning Rope» aidé par la batterie; le final fusionne les instruments pour une sensation d’apaisement.
«Pain» enchaîne, ça vibre, laissant perplexe l’auditeur devant une ballade folklorique glaciale scandinave à la flûte enjolivée. «In Forest Deep» renvoie à l’époque de Collins pour une ballade intimiste; ça monte d’un coup, redescend, forçant le rêve génésisien avec un solo clavier fourni montant en puissance; final decrescendique. «Wandering Soul» son gras, heavy, collant sur des nappes de claviers en tiroirs, genre dark wave surboostée; la guitare pour partir encore plus loin, la magie de ce musicien parvenant à lancer autant de climats différents sur des notes assez similaires; la montée finale jouissive. «The tear from the heavens» arpège piano et vocal parsonien pour la ballade consensuelle magnifiée par la voix féminine de Sonja incisive, sublime. «Echoes of Humanity» clôture avec l’intro mystique et l’intro renversante; le titre bluffant qui semble partir dans la redite et encore un tiroir progressiste qui fait tendre l’oreille, c’est majestueux, envoûtant et efficace.
Cen-ProjekT aurait pu rester sur son schéma qui l’a fait gagner une reconnaissance avouée; il n’hésite pas à pagayer dans l’univers prog pour trouver de nouvelles ambiances grasses, symphoniques et pompeuses se jouant des réminiscences anciennes et créant de fait des univers actuels remplis d’évasion sonore. Un émerveillement cette association voix-instruments, ces envolées sonores qui se ressemblent et partent dans différentes extases. Top potentiel.
Brutus
https://cen-projekt.bandcamp.com/album/arcane-sonic
https://youtu.be/sK3TWjoM1uM
08/06/2024 : The Raging Project - Future Days
The Raging Project
Future Days
metal progressif fusion - 71:11 - France 2024
The Raging Project, fruit mûrement réfléchi et savamment composé par le chanteur/claviériste Ivan Jacquin (Foreign, Psychanoïa), est assurément un projet audacieux, extrêmement varié, dont l’ensemble reste orienté metal prog, même si on retient par moments des passages electro, voire quelques inspirations de Faith No More ou Rage Against The Machine comme sur le puissant «Rage».
La thématique générale repose sur un cri d’alerte («Warning», «Rage», «On Earth», «Procession») sur l’état critique que l’Homme est en train de laisser à notre planète Terre et ses conséquences pour ses générations futures.
12 titres composent ce 1er album avec une pléthore d’invités qui ont participé aussi à la réussite de cet opus, par ailleurs très bien produit par Markus Teske (claviériste allemand, producteur et ayant participé récemment au nouvel album de Vanden Plas).
On y retrouve d’excellents musiciens français, pour ne citer qu’eux parmi d’autres, tels Léo Margarit, batteur actuel de Pain Of Salvation, Jean-Pierre Louveton (Nemo) à la guitare sur le très progressif «Ambient» et même vocalement sur le dernier titre de l’album et très metal prog, la version française («Même Si Je Saigne» du poignant «Even If I Bleed», et aussi des musiciens étrangers telle la guitariste et chanteuse Amanda Lehmann qui tourne depuis 2009 avec le groupe de Steve Hackett, sans oublier le talentueux claviériste Derek Sherinian (ex-Dream Theater, Sons Of Apollo, Black Country Communion, Whom Gods Destroy) qui participe magistralement sur le plus long titre «On Earth».
Ivan Jacquin assure avec brio la majorité des enregistrements vocaux (quelle voix puissante et variée!) et des claviers.
Même si les paroles (voulues sans contexte par son auteur pour faire partager ses messages d’alerte avec l’auditeur) ne montrent pas un réel optimisme, on ne s’ennuie pas un instant à l’écoute des 71 minutes de «Future Days» et c’est incontestablement une belle réussite!
Espérons vivement que ce 1er chapitre de The Raging Project ne restera pas le dernier!
Caligula
https://theragingproject.bandcamp.com/album/future-days
https://www.youtube.com/channel/UCMu7e-Mmj0kiUzdyYEZO7DQ
09/06/2024 : Sunface - Cloud Castles
Sunface
Cloud Castles
rock psychédélique / stoner - 44:21 - Norvège 2024
Excessifs dans leur ambition de créer un nouveau son, les musiciens de Sunface, citoyens d’Oslo, dont le premier disque «Observatory» sort en décembre 2016, innovent tout de même dans cette façon de mêler percussions tribales et guitares stoner: dans ce deuxième album, huit ans plus tard, djembe, congas ou tabla côtoient des riffs heavy, qu’on imagine crachés par des murs d’enceintes, pour une musique psychédélique aux accents fuzz, aux atmosphères denses, encombrées de cumulo-nimbus querelleurs (les «Cloud Castles» du titre), une musique qui démarre pas mal (le morceau titulaire, suivi du pesant «New Natures»), mais qui lasse au fur et à mesure de la dizaine de morceaux d’un tout qui pêche par une unité devenue monotonie.
Auguste
https://sunfaceheavypsych.bandcamp.com/album/cloud-castles
https://www.youtube.com/watch?v=30N1ln-qtVg
10/06/2024 : Julien Thomas - Perrons | Farne
Julien Thomas
Perrons | Farne
ambient poétique / post-Fripp & Eno - 41:13|34:04 - France 2023|2024
Depuis plus d’un an, Julien se consacre au style ambient. C’est pourquoi j’ai choisi de vous parler de deux albums des plus récents (au moment où je rédige ces lignes). Le genre est souvent décrié par les amateurs purs et durs de la Berliner Schule. D’aucuns trouvent même le style endormant et dénué de relief, de rythme, bref d’une platitude absolue. Et il est vrai qu’à une époque où l’on n’est plus obligé de se payer du matériel coûteux grâce au virtuel (logiciels et instruments), il est facile de pondre des heures de «musique» propice à la méditation, voire au sommeil (Rich donnait des concerts de « sommeil » qui duraient toute la nuit et il invitait d’ailleurs son public à apporter son sac de couchage). Et si vous y ajoutez des robots soi-disant intelligents qui feront le travail à votre place, vous avez compris la voie destructive d’un genre qui par ailleurs peut se montrer très créatif et à plus d’un point intéressant musicalement. C’est le cas de la musique composée par Julien. Sa démarche est de travailler des compositions aux sonorités positives. Il y joint des textes poétiques et des intermèdes peuplés de célestes et impalpables lumières. Contrairement à certains anciens comme Steve Roach (pour une majorité d’albums) et Robert Rich et au plus récent State Azure (pour son insipide, inodore et incolore «Cadwell’s reach» de presque deux heures sur les mêmes notes), il ne se contente pas d’appuyer sur une touche du clavier pendant dix minutes et puis sur une autre pour une même durée. Chez Julien, tout est en mouvance constante. Ses ambiances se font dialogue avec l’auditeur; sa musique se transforme et se transcende au fil des minutes. Les huit premières de «Landet Som Icke Är» («Farne», inspiré d’un poème de l’auteure finlandaise Edith Södergran), rappellent un peu la trame psyché de Steve Hillage de son «Rainbow Dome Musick». L’utilisation de l’écho et du reverb n’y est pas étrangère. «Farne» est certes très court, quasi un EP composé de deux titres, mais c’est un pur condensé d’émotions. Le second titre est plus dramatique, articulé autour d‘instruments indiens (tabla, shenai, flûte) et d’une atmosphère hypnotique générée par des motifs répétitifs aux claviers. Une relative parenté avec la musique contemporaine mais qui reste dans la veine ambient tout en innovant, une fois de plus, en suivant le lumineux sentier poétique de Julien. L’apport d’une solide basse vers la 8e minute colore la plage de phrasés dignes de Riley ou de Eno. Extraordinaire de bout en bout avec un final presque crimsonien. «Perrons» se veut une bande originale imaginaire dédiée au plus beau des printemps. Dès la première note, on est conquis par l’ambiance empreinte de magie et de poésie mélodique. Une nouvelle manière d'écrire, moins figurative, qui utilise d'autres instruments qui font appel au maximum aux échos, aux reverbs et aux outils de spatialisation pour aménager un ensemble plus épuré, nous dit-il. «Chanson d’Amour (slight return)» est un hymne à la beauté où se lovent des notes aériennes de saxo, prélude aux «Froissements d’Ailes, Léger, Léger» et «Le Plus Court Chemin De Mon Cœur À Ton Âme» qui nous caressent par une élévation immatérielle vers des paysages enchanteurs incréés. Julien nous donne les pinceaux et les couleurs pastel pour couvrir la toile de nos luminescences intérieures. Il a lui-même transcendé le style en y ajoutant des teintes angéliques. Une petite brume au parfum Eno y plane, métamorphosée par Julien. Cerise sur le gâteau, les albums de notre magicien sont toujours disponibles au prix libre que vous proposez et ce serait lui faire insulte que de ne pas y participer un minimum. D’autant que votre obole ira directement à Oxfam France. Voilà ce que j’appelle de l’Art totalement désintéressé et généreux en tous points.
Clavius Reticulus
https://julien-thomas.bandcamp.com/album/perrons
11/06/2024 : Luca Zabbini - Cinematic Stories
Luca Zabbini
Cinematic Stories
rock cinématique symphonique - 32:29 - Italie 2024
Luca Zabbini, que j'avais découvert sur scène en 2014 avec son groupe Barock Project, poursuit avec cet opus solo une carrière déjà très remplie: ces 10 dernières années, 3 albums avec Barock Project, un premier solo issu du confinement et, depuis le départ d'Alberto Bravin pour Big Big Train, il a même rejoint PFM sur scène où il apporte sa voix et son clavier. Il a même participé à leurs 2 derniers albums studio et live. Et avant de publier, sous peu, le nouvel opus de Barock Project, il nous propose ses histoires cinématiques.
Et c'est du cinémascope, digne des meilleures B.O. «Battle of Teutoburg» qui ouvre est grandiose; on attend le film qui serait ainsi mis en valeur. Introduction délicate suivie d'une tension de violons, et dans un roulement de timbales, cavalcade de violons sur plusieurs niveaux. Un souffle épique gonfle ce morceau, qui pourtant ne dépasse pas les 4 min 15 s!
«Quantum Serenade», intermède électronique un peu vangélien, fournit une transition interplanétaire pour attaquer le pulsatif «Exoplanet Elegy» dont la mélodie boucle majestueusement au milieu d'un crescendo de motifs très électroniques. Car ici Lucas a tout fait, composition et exécution, peu de bio donc sauf ses très belles interventions de piano. C'est un album de «tastiere» (claviériste) et de chimiste du son, lui qui voue un culte à Keith Emerson prouve ici qu'il en a le talent, et garde malgré tout une sage retenue. «Vortex» éclaircit l'ambiance avec du jazz funky, rendu possible par son toucher bondissant que l'on pouvait déjà apprécier sur «Jam» de PFM.
«Cosmic Chronicles»: retour à des visions oniriques et grandioses, comme illustrées sur la belle pochette «Fantazy».
«Astro Arcana»: retour prog-jazz bondissant, léger, jouissif! «Celestia» déploie crescendos puissants et ruptures cristallines autour d'un piano classique.
«Frozen Giants»: piano romantique et trame de violons avant qu’ils ne rythment une montée nostalgique, broyée par l'intro du suivant «Techno Nebula», syncopée et granuleuse, actionne sa mécanique implacable et nous emporte.
L'ultime «Victorian Verse» est une courte pièce quasi baroque qui confirme les capacités pro(g)téiformes de Luca Zabbini que je vous invite à suivre dans tous ces avatars!
Cicero 3.14
https://lucazabbini.bandcamp.com/album/cinematic-stories
https://www.youtube.com/watch?v=QPLPzc8aYfE
12/06/2024 : Habitants - Alma
Habitants
Alma
rock alternatif / shoegaze / trip-rock - 66:00 - Pays-Bas 2024
Habitants sort son 2e album sur le lit des Gathering et de leur guitariste René Rutten après la pandémie dévastatrice; quelques singles pour entretenir la flamme et ce rock alternatif shoegaze arrive entre mes mains; atmosphère des 80 et voix rêveuse d’Anne, mélodie sombre et mélancolique favorisant l’immersion, tout est dit. «Alma» âme d’une femme tourmentée par la société entre force et résignation comme cet album qui fleure bon les Cure, Siouxsie, Massive Attack, Portishead et The Gathering pour amener dans des espaces cinématiques déstructurants.
«Highways» oui Perdu de Vu’ à l’honneur sur cette intro organique, introspective; Lana semble être présente mais c’est bien Anne avec sa voix sombre; le roulement de tambour amène une gaité froide et la marque de fabrique, guitare réverbérante et synthé langoureux, opère; sensation sur notre société allant percuter le mur à vive allure. «Youth» part surfer sur les vagues rythmées de la Vie, air velouté, nostalgique aidé de la déclinaison guitare réverbérante; un relent de Stevie des Fleetwood Mac en final pour la beauté musicale. «Future You» à nouveau sur les 80-90, Lana et Siouxsie me reviennent en mémoire; le synthé dark wave impose un rythme linéaire insouciant avec une montée orgasmique, découverte de l’Amour. «Cod Fishing» acoustique electro sur The Gathering ambient, oui c’est peut-être l’inverse des fois; un air aussi des Cure pour la mélodie lente, tristement gaie; air voulu pour baigner dans la honte, sur «28 jours plus tard» et son avenir planant inéluctable.
«Morgen» concernant la pensée de désagrégation d’un sentiment, aussi fort soit-il; orchestration shoegaze gatheringienne, René imprimant l’air sur un crescendo ambient redondant. «Alma» et la mélodie noire boostée par le pad aérien et sourd, paroxysme; lorsque l’obscurité devient visible, l’atmosphère spleen se noie progressivement dans ses notes; le sang prog tant recherché se fait jour, gras, envahissant; latence qui amplifie la durée du morceau. «If I knew» continue avec ce climat visqueux, les sonorités sortent d’un monde archaïque tel la dark wave des Joy Division; moment où se poser devient obligatoire devant les images personnelles recréées dans notre cerveau; moment cathartique rempli de solitude. «The waiting Room» continue, on est sous l’eau et l’on entend les sirènes au dessus de nous; Anne reprend sa voix éclairée et nous donne de la joie, souvenir d’avec celle de Stevie, voix qui coule, surfe, guide vers un son meilleur; le morceau le plus lent qui peut aussi rappeler les Anathema 3e ère, crescendique. Un happy end d’où les sons s’égrènent comme des pétales au vent.
«Bury the Earth» qui avait annoncé l’album dès 2020 en bonus; titre aérien, réverbérant sur notre fin inéluctable, sur l’atmosphère langoureuse chargée d’émotion; le final hautement jouissif.
Habitants fait du trip-rock comme les Gathering, un album atmosphérique intimiste, plus répétitif que son grand frère; The Gathering serait plus rock, Habitants plus ambient et post; un album contemplatif explorant nos tréfonds obscurs au sel fusionnant sur un ciel noir menaçant, envoûtant.
Brutus
https://habitantsband.bandcamp.com/album/alma
https://youtu.be/WdivEmXGljQ
13/06/2024 : Modern Stars - Termination
Modern Stars
Termination
rock psychédélique - 35:27 - Italie 2024
Il y a des carrières qui se forgent sur un air de bizarrerie. C'est un peu ça, Modern Stars: Des People (are) strange qui bricolent une mélodie transcendantale. Biographiquement, le groupe est italien; «Termination» est leur quatrième disque depuis 2020! Sensoriellement, à chaque prise de son, on se donne la sensation de mettre les pieds au bord d’une spirale ésotérique, sur laquelle circule en boucle un bâtard de Meher Baba et de Ravi Shankar. Par hasard, vous me suivez jusqu'ici? Faut bien en faire l'aveu, à force d'évoluer dans cette musique, on perd pied… Mais reprenons au commencement, «Termination» est un constat d'imprévisibilité de l'espèce humaine. Il n'y a pas de formule universelle, ce qui nous entraîne vers la religion et puis l’amour… Sur papier, c'est un joli petit message. Artistiquement faisant, je dirais que les sept titres nous laissent volontairement dans le flou, tout est bouillie instrumentale psychédélique et complaintes redondantes. Tout se passe comme si l’on avait goûté à la mixture d’un sorcier sixties et que notre vision n'était devenue que déformation et évaporation. Du coup, on ne saisit pas bien les frontières entre les morceaux. «If/Then», «Organization» ou «Be Pure»… Quelles différences? À l'écoute, nous sommes complètement déconnectés… à la dérive, dans un trip transpoting! On s'enfonce même dans les crevasses d'un tapis oriental, les oreilles dans un bruit de fond de salle de bowling… Hé! Ho? Y a quelqu'un là-bas? Sans nul doute, notre esprit a fini par chuter à la dernière plage de l'album, «Coming Down»… En conclusion, je me ressaisis. «Termination» de Modern Stars vous fera passer des Strange Days, un peu comme le clip de «Like Rolling Stones», alors repris par la bande à Jagger, nous vivons un mix entre un léger mal au cœur et un ressenti singeant le bien-être… Soit! À consommer certes, mais non sans une certaine modération!!!
Kaillus Gracchus
Bandcamp: https://modernstars.bandcamp.com/album/termination
YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=6DJ6_U_F1fY
13/06/2024 : EBB - The Management of Consequences
EBB
The Management of Consequences
rock progressif - 18:13 - Écosse 2024
EBB doit être un cas unique dans le prog, voire même dans le rock. En effet, le Erin Bennett Band est un sextet quasiment exclusivement féminin, à l’exception du bassiste répondant au joli sobriquet de Bad Dog. Ils nous viennent d’Écosse.
Après avoir sorti un EP en 2019 et un album complet en 2022 («Mad & Killing Time»), les revoici avec un nouvel EP de trois morceaux qu’ils présentent comme une réponse ou une continuation de leur album de 2022. À côté des instruments classiques, ils agrémentent également leur musique de trompette, clarinette, flûte et saxophone.
Cette sortie comporte trois morceaux. «Silent Saviour» commence sur une atmosphère planante pour ensuite démarrer sur un rythme évoquant vaguement King Crimson. Le morceau se pose ensuite sur un rythme plus classique sur lequel se pose la voix de la chanteuse. Il se termine en reprenant le pattern crimsonien du début et s’achève sur un ensemble de musique traditionnelle. «Cost & Consequence» commence sur un motif de clavier qui aboutit sur un morceau calme où la chanteuse fait preuve d’une chouette expression et où l’orgue joue un rôle prédominant. «Nieu» débute sur un orgue énergique pour donner le morceau le plus énergique où la voix se fait rageuse.
Je n’ai personnellement pas été renversé par l’originalité de l’ensemble. C’est sympa, bien joué et correctement produit, mais cela ne changera pas la face du prog. Peut-être à voir sur la durée d’un album complet où le groupe pourrait développer ses idées.
Amelius
https://ebbband.bandcamp.com/album/the-management-of-consequences
https://www.youtube.com/watch?v=GE6Oo7CVQYI
14/06/2024 : Slift - Ilion
Slift
Ilion
post-rock / space / stoner metal - 79:04 - France 2024
Ilion, nom grec de la légendaire ville de Troie; c'est Slift le groupe français toulousain qui sort en ce début d'année ce brûlot musical, mix incroyable indus, ambient; du rock massif fusionnant l’intensité du metal et du psyché post-rock. Entre Godspeed! You Black Emperor, And You Will Know Us by the Trail of Dead et Goat. Rock extraterrestre puissant, stoner psychédélique et rock progressif.
«Ilion» débute en amenant l'eau, le feu et l'enfer; son métallique industriel des Metallica, de l'ambiant et de l'énergie dark-doom des anciens Led Zeppelin; air nouveau qui enfle, donne dans l'extrême; la voix est posée avant d'être criée, la basse déroule le feu, la batterie sème la zizanie. «Nimh» montée solennelle, violence à l'état animal, break crimsonien avec la guitare monolithique jetant le trouble, la voix reprend, la guitare barrit, les sons torturés comme ceux d'un anaconda; chœurs angéliques posant enfin le son. Réminiscences des légendaires Isis. Morceau organique où la veine progressiste coule goutte à goutte de l’alambic. «The Words That Have Never Been Heard» long titre rythmé par une frénésie indus, électrique; des percus pondérées laissent le torrent feu-primaire se déverser dans nos oreilles. Vient un solo guitare désincarné d'où sortent des notes éructées et orgasmées; l'acoustique électrique pose l'atmosphère post rock calmant enfin les ardeurs; enchaînement sur «Confluence» et le saxo stratosphérique d’Etienne scellant les deux morceaux; le prog commence à palpiter, le son groovy, envahissant, atmosphérique et sa guitare stridente; le rythme frénétique au final discordant, déroutant.
«Weavers' Weft» pour la baffe avec la sonorité mélancolique solennelle, sur un Sabbath ambiant, malfaisant; une caravane de brigands venus d'outre-tombe protégeant notre planète en déliquescence; titre expérimental rugissant comme un Monster Magnet ressuscité, un Tool assoiffé de sang prog; notons le final nippon aux notes délicates introspectives. «Uruk» même veine: ambiance latente et soli nerveux se tordant dans chaque recoin de nos oreilles, son pondéré qui devient hypnotique, mantra de la nouvelle décennie, clavier génésisien des 80 avant le final fiévreux, mise en transe; creuset de fureur et langueur. «The Story That Has Never Been Told» avec le clavier éclairé d’un Duke bis; air cristallin d’un autre espace-temps amenant le break sabbatique avec les chœurs grégoriens du Commencement; suite overloop renforçant le stoner psyché et invitant à la transe. «Enter The Loop» comme outro et air tournant, olympien, éthéré, mélangeant nos sens et laissant notre âme vidée à chaque onde musicale.
Slift sort son 3e album avant-gardiste dans le genre, mélangeant et fusionnant les genres précités pour fondre une musique incroyable, mantranique, sidérante et électrique. Un déluge de notes pour un voyage spatial et un album inédit où la basse et la batterie boostent les soli dévastateurs; perle rare unique dans le genre, ni post, ni metal, ni stoner, mais de tout et très bien foutu.
Brutus
https://slift.bandcamp.com/album/ilion
https://youtu.be/pzQvABPlPfA
15/06/2024 : Last in Time - Too Late
Last in Time
Too Late
hard rock / metal classique - 45:22 - Italie 2023
Depuis 2021, il professore Massimo Marchetti emmène toute une petite bande derrière ses leçons de guitare classique. Avec un profil comme le sien, son projet Last in Time ne pouvait être bardé que d'une équipe triée sur le volet; je vise, par exemple, les vocalistes mâle/femelle, Igor Piattesi et Caterina Minguzzi. Intitulé «Too Late», leur premier album nous prévient d'entrée que ses références ont fait date (sans être périmées). Pour cause, il y a du metal nineties (mais pas que) derrière les grands fourneaux de notre guitariste… Et de quoi rincer nos oreilles! How long? Jusqu'à ce qu'elles blinquent [en Belgique, «blinquer» signifie «reluire, étinceler (à force d'avoir été astiqué)», ndlr]. Bien nommé, le single «The Way to Rock» est un chaleureux appât avec son long couloir de guitare et une petite place pour l'orgue en toile de fond. Décor planté, l'ambition de l'album est très certainement de nous apporter une impression rassurante de déjà entendu. Oh! Pas dans le sens plagiat mais plutôt du genre: assoyez-vous confortablement et prenez une boisson chaude… Voici donc ce que peut donner un son académique éclairé! Derrière, «Moonlight Dreamers» sait compter sur les sun’s vibes de Caterina; on est avec une copine. «The Animal» fait son Deep Purple. Mr. Fantastic est au-dessus de la mêlée, question énergie. Quand vient «Winter in May», on devine les flocons derrière notre fenêtre, aux deux tiers du déluge silencieux, c'est une power guitare qui fera chasse-neige! Volume et velours! Chaleur et sentiment! Bien, bien, lecture faite, on perçoit comme un retour au pays! Du reste, un pays (à soi), c'est un endroit familier où il fait bon passer notre temps si précieux! Alors, comme on dit, bienvenue chez vous!
Kaillus Gracchus
https://open.spotify.com/intl-fr/album/2CUefORU8CYFv2eRcpaAIM
https://www.youtube.com/watch?v=hjhtAXzus80
16/06/2024 : Micado - SculptureS
Micado
SculptureS
Vangelis / Berliner Schule / classic like - 58:22 - Belgique 2024
Frans Lemaire compose sous ce nom qui regroupe bien d’autres e-musos collaboratifs ou non. Notre compositeur belge s’inspire de l’univers classique et, pour la partie électronique, il navigue sur les eaux de l’École de Berlin et de celles de l’ambient. Mais oubliez ce dernier pour le moment car, d’entrée, nous explorons ici la nébuleuse Vangelis. Chœurs synthétiques et coulis de synthés qui rappellent la BO de «1492» et les partitions plus épurées, comme celle de «La Petite Fille de la Mer» («L’Apocalypse des Animaux»), en filigrane et par touches subtiles cela dit. Plus loin, «Waving Sceneries» nous plonge dans les structures vitaminées de «Heaven and Hell». Dynamique similaire dans les mouvements, même punch et même style de construction mélodique. «Walking between ScuptureS» se rapproche tant soit peu de la galaxie d’un autre grand magicien des sons, Klaus Schulze, pour le modelage harmonique et l’entrelacs de synthés, sachant que le piano reste l’instrument prépondérant de Frans, en touches ponctuelles ou conjugué en mélodies simples et énergiques. La pépite de cet opus est assurément «Emotional SculptureS», avec ses voix et sa mélodie célestes riches en textures synthétiques accompagnées d’arpèges de piano pétillant comme des bulles de champagne qui, telles des gouttes d’eau sur un pétale d’iris, font naître des arcs-en-ciel harmoniques. Sept minutes de rêve intégral en ballade cosmique étoilée. Une ambiance qui évoque aussi les fées, les elfes et les licornes du film de Ridley Scott, «Legend». Ce titre est comme une infinie caresse de poésie astrale. «Artificial LandscapeS» marie au piano des séquenceurs cascadant non loin de la nébuleuse de Schulze, une fois encore. Multiples textures soniques embrasées par la reverb et quelques effets d’échos subliminaux invitant un vibraphone en arrière-plan. Un autre moment de bonheur. «SculptureS in GlaSS» se perçoit comme une douce moire berlinschoolienne enveloppante en romance éthérée où s’immisce la mélancolie de voix spectrales, lointaines et séraphiques. «The Sculptured Piano» est en quelque sorte la signature de l’album. Une conclusion où le piano en jeu rapide, drapé par les chœurs classiques à la Carl Orff, fait frissonner notre épiderme. Frans élargit la définition du concept «sculpture» en nous révélant que les paysages, les sons, la lumière, tout ce qui est palpable ou au contraire diaphane et immatériel, tout peut être sculpté. Ce qu’il démontre ici avec maestria. Un voyage incontournable.
Clavius Reticulus
https://cyclicaldreams.bandcamp.com/album/sculptures-cyd-0103
https://www.youtube.com/watch?v=Zo71s9pAEbo
17/06/2024 : White Willow - Ex Tenebris [réédition]
White Willow
Ex Tenebris [réédition]
rock progressif symphonic sombre - 48:13 - Norvège 2024
Ce 2nd album de White Willow initialement sorti en 1997 est aussi le 2nd que le label Karisma ressort. Et bien sûr, charité bien ordonnée commençant par soi-même, c'est le magicien du son, Jacob Holm-Lupo, qui toilette son œuvre qui aurait d'ailleurs pu être un album solo avant qu'il ne se rende compte, à l'époque, que l'album serait plus «prog» que prévu.
C'est donc un White Willow avec Sylvia Erichsen au chant, Tariq Rahman (claviers, voix), le Suédois d'Änglagård, Mattias Olsson (batterie), et Frode Lia (basse) qui proposa cet album assez noir, comme son titre l'annonce. Comme souvent, les intervenant extérieurs furent nombreux telles les flûtes de K. Einarsen (Panzerpappa, Motorpsycho, Wobbler), K. Hultgren (Airbag, Wobbler).
La superbe mélodie de «Leaving the House of Thanatos» est très vite inquiétante quand œuvre la basse syncopée, mais dès qu'elle stoppe, les voix combinées nous cajolent. Mais cela ne dure pas. Un break crimsonien, basse, caisse claire ouvrent à un orgue dont la montée oppresse. Le synthé miaule ensuite, avant de céder à une guitare solo. Mais rien ne dure, les transitions abruptes ne nous laissent pas un instant de félicité. Dérangeant.
«The book of love»: arpèges de guitare, intro folk, jolis chorus des voix, une flûte, une éclaircie. Merveilleux.
La «Soteriology» étudie le salut de notre âme, après une intro «koto» l'orgue liturgique nous le rappelle. Alors lorsque la voix cristalline de Sylvia s'élève moyenâgeuse, on se prend à espérer l'immortalité de cette sensation. Dans «Helen Simon Magus», 4 notes au piano feront une mélodie persistante, grâce à l'ange Sylvia et un traitement simple du superbe crescendo médian. L'archet final nous tranche le cœur.
«A strange procession»: de sourdes percussions nous introduisent dans une procession où l'orgue liturgique égraine note après note, lentement, puis maintient un bourdon toujours rythmé par les percussions inquiétantes. Des chœurs s'invitent un instant mais rien ne vient. Déprimant.
«A dance of the Shadows»: piano, guitare à l'unisson proposent une boucle suspendue, avant qu'une basse bien grasse ne viennent sourdre. Une guitare incisive déchire lentement, avant de transmuter en arpège et que Sylvia n'enchante, un peu, l'ensemble dans une ballade presque folk. Après le break d'orgue et Mellotron, la pièce prend une autre tournure, rythmée par un Mattias très créatif. Comme un carrousel orientalisant dont la course nous entraîne dans une spirale s'assombrissant.
Les fans de prog scandinave seront ravis de cette ressortie, et j'invite fortement les autres à tendre l'oreille, mais pas un jour de pluie!
Cicero 3.14
https://whitewillow.bandcamp.com/album/ex-tenebris-remaster
https://www.youtube.com/channel/UCzye2ClyndJr9PTZ1EcJfyg
18/06/2024 : The Cortina Protocol - The Cortina Protocol
The Cortina Protocol
The Cortina Protocol
rock progressif expérimental - 37:58 - Italie 2023
Formé en 2021 par Matthew Rozeik du duo expérimental londonien Necro Deathmort, The Cortina Protocol explore le côté le plus sombre du cinéma noir. Des porte-documents échangés sur un horizon gris, un homme anonyme écoute un appel téléphonique tandis que des bobines de bandes tournent silencieusement, un dossier volé glisse sur une table de pub – «Le protocole Cortina» est le son de ces images.
«The Cortina Protocol», album éponyme, est le premier et j’espère qu’ils continueront sur leur lancée avec d’autres opus aussi intrigants que celui-ci. Enregistré en trois jours sur bande aux studios Cowshed, dans le nord de Londres, début 2021, cet album tisse des atmosphères cinématographiques, à la fois hypnotiques et psychédéliques, laissant notre imagination travailler tout au long de l’opus. Lors d’une interview, Matthew Rozeik disait: «J'avais l'intention d'enregistrer depuis une décennie, mais la vie ne m'a jamais donné le temps de le faire. Les événements de l'histoire récente m'ont donné l'occasion de rassembler les musiciens nécessaires pour lancer le projet tissé autour de la batterie, nous conduisant sur des chemins inattendus» et c’est tout à fait le sentiment ressenti… l’inattendu.
Venez découvrir ce nouveau groupe et laissez-vous tenter par l’expérimental…
Vespasien
https://thecortinaprotocol.bandcamp.com/album/the-cortina-protocol
19/06/2024 : Peter Gabriel - Back to Front - Live in London
Peter Gabriel
Back to Front - Live in London
rock progressif - 135:58 - Angleterre 2024
Filmée par Hamish Hamilton, lors de deux soirées à l’O2 Arena de Londres en octobre 2013, avec 10 caméras 4K F55 Sony (le fleuron de la marque à l'époque), voici une nouvelle édition Blu-ray 4K UltraHD de «Back to Front Experience», déjà sortie en 2014 sur Blu-ray 2K.
L’occasion rêvée de réécouter cette reprise intéressante et originale de l’album «So» de 1986 et d’autres tubes des années 80, mettant en scène Tony Levin, Manu Katché, David Sancious et David Rhodes, fidèles compagnons de route de Peter Gabriel, et deux choristes, Jennie Abrahamson et Linnea Olsson.
Pour une qualité musicale sans faille, une image à la hauteur du matériel déployé et une approche visuelle que détaillent Peter Gabriel et Rob Sinclair dans le bonus «The Visual Approach»: l’aller-retour entre acoustique et électronique, le retour des éclairages d’origine, conservés par Peter Gabriel (souvenez-vous des grues utilisées au Lycabette d’Athènes, en 1987) et, plus avant-gardiste, généré en direct par une série d’ordinateurs en coulisse, un monde 3D projeté sur l’écran géant.
Un contexte parfait pour une interprétation exceptionnelle des titres emblématiques de «So» et autres.
Assez curieusement, sans doute pour une question d’espace occupé par l’image 3840x2160 pixels sur le support, la piste audio 5.1 DTS-HDMA 96 kHz de la version de 2014 a été rétrogradée à 48 kHz «seulement» sur cette édition de 2024. Avec ce (très) léger avantage audio et sa vidéo 2K (1920×1080 pixels) déjà remarquable, pour un contenu inchangé, votre «vieux» Blu-ray est donc encore parfait pour le service. C’est le moment d’aller le rechercher sur l'étagère où il prenait la poussière!
Note: Si vous optez pour cette nouvelle version 4K, n'oubliez pas qu'elle n’est lisible que sur un lecteur 4K couplé à un téléviseur 4K pour profiter pleinement du format de l’image.
Vivestido
https://petergabriel.bandcamp.com/album/back-to-front-live-in-london
https://www.youtube.com/watch?v=PzRZA47Z1FQ
20/06/2024 : Mark Knopfler - One Deep River
Mark Knopfler
One Deep River
country vintage knopflerienne - 51:51 - Écosse 2024
Mark Knopfler sort son 10e album évoquant des faits marquants sur le monde actuel. En parler c’est revenir sur le légendaire Dire Straits au son inimitable, sa voix reconnaissable, une pedal-lap steel, un violon, tout pour flemmarder un dimanche à la maison; écouter Mark parler de sa région d’enfance, sa vie vagabonde; du country-folk avec quelques gouttes prog réelles ou pas, sorties de sa rivière Tyne.
«Two Pairs Of Hands» la guitare ramène à son passé sur la trame J.J. Cale, les congas et ce son minimaliste s’immisçant partout, clin d'œil à son autre vie et à sa tranquillité d’aujourd’hui; funky, rythmique et savoureux. «Ahead Of The Game» riff classique, voix prégnante et ce doigté que l’on sent pour faire un tube; on se croirait à Nashville où le temps s’arrête à écouter en boucle, relaxant. «Smart Money» avec le swing country qui rappelle ses travaux d’avec Chet; un peu de piano bar qui fleure bon les Dire Straits même si l’on sait que l’on ne les reverra plus; souvenir vers Buffet et l’ambiance progressiste mélodique latente. «Scavengers Yard» casse le code avec ce riff métronomique, hypnotique et le phrasé, air groovy-bluesy calien où la guitare gratte fort, se rapprochant de son groupe d’antan; répétitif et addictif. «Black Tie Jobs» avec la ballade souvenir de son travail de pigiste, un air de valse avec l’acoustique en avant, spleen doux, le cadeau feutré au feeling émouvant. «Tunnel 13» aux chœurs contemplatifs en intro; histoire réelle d’attaque de train mise en scène avec la guitare qui te vibre dans l’oreille, guitare faite d’un séquoia qu’il vénère, bref je suis en phase avec Mark.
«Janine» country à l’horizon pour un titre qui montre aussi une certaine langueur dans la répétition. «Watch Me Gone» parle de rupture amoureuse d’où l’accent folk à réverbération amplifié par les chœurs, avec la monotonie et le spleen qui s’installent. «Sweeter than the Rain» pourquoi il fallait en parler ici: l’intro prog, méditative… de l’homme éprouvant sa foi... moi les souvenirs de Dire Straits; ces bruitages font tourner la tête de bonheur avec ce ton cotonneux, ce tempo lent contemplatif, ce crescendo mélodi-progressiste. «Before My Train Comes» suit le même rail accompagné d’une batterie brossée pour l’air country avec la basse imprimant l’intensité, air interlude de TV. «This One’s Not Going to End Well» part plus bas, le jazz vient frapper à la porte, tiens, histoire de navire marchand d’esclaves, je ne savais pas; moment où le violon celtique de John et la flûte de Mike amplifient l’atmosphère dramatique. «One Deep River» avec un peu de «Local hero», le son bluesy qui suinte; l’amour de sa rivière pensée comme une amie; air chaleureux avec le phrasé rocailleux à la Cohen; un dernier solo sur «Money for Nothing» électrique et le silence fait partie de l’album.
Mark Knopfler fait du Knopfler avec plus de monotonie, de mélancolie, de souvenirs. Un album contemplatif, country de base influant détente et répétition intentionnelle pour se poser, voilà le secret de cet album lisse et accrocheur, oxymore musical de fait; album pour méditer, se souvenir comme lui de ses années stades, du temps où le prog se trouvait où l’on ne l’attendait pas.
Brutus
https://open.spotify.com/intl-fr/album/1VD0dpNJZjdQ0lelA5JTHv
https://youtu.be/FyjiwtUATvQ
21/06/2024 : Vlyes - Why
Vlyes
Why
néo-progressif - 55:44 - Allemagne 2024
Vous souvenez-vous de Kay Soehl? Lui ne doit pas en être sûr puisqu’il a besoin de nous l’écrire sur la pochette de l’album comme un argument publicitaire.
Pourtant notre musicien a laissé une empreinte certaine en réalisant le travail à la guitare au sein de Sylvan, groupe qu’il a co-créé en 1991… Puis quitté en 2007. Notre homme s’est muré dans un silence radio pendant quelque quinze années.
Il y a moins de deux ans, il ressort la guitare de sa housse et avec son ami, depuis l’époque de Sylvan, Jens Lueck (Single Celled Organism) monte ce nouveau projet auquel s’associe un peu plus tard Volker Oster, chanteur jusqu’à maintenant inconnu mais qui pourrait ne pas le rester longtemps.
Un mix de Sylvan et de Single Celled Organism, c’est comme un travail entre frères jumeaux. Comme le précise le groupe, leurs racines se situent dans le rock progressif, mais les deux compositeurs utilisent également des influences électroniques, des éléments classiques et des influences post-rock. J’ajouterai que ce disque se balade dans le monde connu qui va des sons atmosphériques floydiens jusqu’à ceux plus vigoureux de Marillon porté par un jeu de guitare exprimant de la mélancolie, du deuil et de la plainte d'un temps qui s'enfuit pour ne jamais revenir.
Personne ne restera insensible au travail énergique et faramineux réalisé par Lueck aux percussions tout en faisant dans la dentelle dès qu’il se pose devant le clavier.
Un album agréable, donc, qui devrait attiser la curiosité des nostalgiques de Sylvan d’avant 2007 et se considérer comme les retrouvailles avec un ami qu’on avait perdu de vue et dont on est heureux d’avoir des nouvelles.
Publius Gallia
https://vlyes.bandcamp.com/album/why
https://www.youtube.com/watch?v=X-QhLDY70ks
22/06/2024 : Gert Emmens & Ron Boots - Lost in Depths of Desolation
Gert Emmens & Ron Boots
Lost in Depths of Desolation
Berliner Schule - 65:38 - Pays-Bas 2024
Le début de la plage éponyme qui est aussi la première de l’album m’a fait penser à un groupe figurant dans une série de compilations nommée «Soundscapes – Relaxing Music» (sous-titré très pompeusement «3D sound soft experiences – High Tech Electronic Music»), en l’occurrence ici l’album «Atmosphere». Ces compilations rassemblent des musos plutôt inconnus (en tout cas par votre serviteur) dont U.P.I. et j’ai trouvé quelque similitude avec l’intro de leur «Escape from confusion». La musique de notre duo dépasse cependant et de très loin le easy listening. Des cascades de synthé cristallin évoquent un «Crystal Lake» schulzien maintes fois évoqué dans ces chroniques et ensuite un reflet de «Cinnamon Road» («Hyperborea») de Tangerine Dream. Le toucher de guitare et ses solos décoiffent un maximum sur de longues notes de synthés en perpétuel envol. Un peu plus de quinze minutes de rêve pour une mélodie superbe. «Dissolving Shadows» enchaîne sur des notes aériennes portées par un phrasé lento. Une composition simple et d’une redoutable efficacité émotionnelle par l’ajout en filigrane d’une voix de synthèse angélique. Une caresse astrale des sens. «Discarded Anchor» est scintillements lumineux dans un palais de cristal. Tout démarre en douceur et invite des séquenceurs quiets évoquant un lever de soleil au matin d’un printemps parmi les brumes diaphanes flottant sur les prairies de l’Eden. Grande et sereine douceur avant qu’au fil des minutes la machine s’étoffe de rythmes séquentiels soutenus par une batterie qui nous envole vers d’autres horizons événementiels pour atterrir en douceur dans la magie d’un nouveau monde. «Where they once played» s’articule autour d’arpèges d’un doux piano vêtu d’un voile de mélancolie accompagné de sonorités proches de l’univers de Schulze. «Derailment of Time» attaque par des séquences hypnotiques où viennent rapidement se greffer un rythme de batterie et des entrelacs synthétiques signant une mélodie accrocheuse teintée d’un léger reverb partiellement métalloïde. Tout dans cette trame harmonique est savamment dosé et cousu de fil d’or. Un travail de dentellière pour une composition ascensionnelle vers un portail onirique où éclosent des chœurs séraphiques. Magie totale. Frisson épidermique intégral. La Beauté avec un grand B. «End of the Line» est un drapé intimiste accompagné d’un séquenceur qui monte en puissance, fort proche cette fois encore de l’univers du grand Klaus. La mélodie va s’étoffer de plus en plus, étendre ses ailes par combinaison de claviers aux constructions multiples exponentielles. C’est l’apothéose d’un album sublime aux colorations plurielles de la Berliner Schule, d’une grande richesse musicale et absolument incontournable, retour flamboyant après les deux ans et demi écoulés depuis leur précédente collaboration.
Clavius Reticulus
https://emmensboots.bandcamp.com/album/lost-in-dephts-of-desolation
23/06/2024 : Le Orme - Il Leone e la Bandiera
Le Orme
Il Leone e la Bandiera
rock progressif italien - 45:20 - Italie 2024
En octobre 2023, Le Orme avait publié un double/triple album intitulé «Le Orme & Friends». Jamais arrivé en magasin, ni sur le bureau de Prog censor, car épuisé en pré-commande! «Il Leone e la Bandiera» qui était le CD1 ressort et nous l'avons!
Le lion et la bannière est un concept album qui parle de la ville natale de ce groupe précieux: Venise.
À l'origine trio, ils ont souvent été présentés comme le ELP italien. Je ne partageais par vraiment ce raccourci. Mais jamais album de Le Orme n'a autant sonné, à mes oreilles, comme du ELP.
Un ELP mesuré où la musique prend toujours le pas sur la démonstration. «Ferro e fuoco» avec son Hammond râpeux pourrait sonner Emerson, mais le côté latin l'emporte; même si la virtuosité est bien présente, cela reste mélodieux, enchaîné avec «Luciole di vetro» dont les 2 parties s'opposent: entraînante et (presque) trop facile, le morceau se termine par une partie au piano classicisante et classieuse.
Mais dès la première piste, judicieusement intitulée «Ouverture» enchaînée à «Acque di luna» puis «Rosa dei venti», on trouve des bijoux purement estampillés Le Orme, voix haute perchée, mélodies vaporeuses bâties autour des claviers; le martial instrumental final «Caigo» est tout aussi prenant et lorsque les percussions prennent le pas ELP n'est pas loin, en effet. Grandiose final que l'on verrait bien clore le concert!
Le quatuor Le Orme composé de Michi Dei Rossi (batterie depuis 1969), Michele Bon (claviers depuis 1991), Luca Sparagna (voix, basse) et Aligi Pasqualettto (claviers), poursuit une belle carrière et, même s'il n'atteint pas le niveau de «Felona E Sorona», ce 23e album vaut largement plusieurs écoutes attentives.
Cicero 3.14
https://open.spotify.com/intl-fr/album/0c3RkJRHSidwbecm3kFgVo
https://www.youtube.com/watch?v=K6tWq0mCV_Y
24/06/2024 : Chafouin - In C
Chafouin
In C
contemporain / expérimental - 42:40 - France 2024
Avec «In C», composé en 1964, Terry Riley pose un pilier des fondations du courant minimaliste américain: la pièce est expérimentale et fait la nique au post-sérialisme européen né de la tabula rasa avant-gardiste de l’après-guerre; elle est aussi le prototype d’une partition ouverte (pour «In C», elle tient en une page), où un espace de liberté, plus ou moins étendu, est accordé aux interprètes – ici, le choix des instruments (leur timbre et leur nombre) est laissé à l’appréciation des musiciens, de même que le nombre de fois que chacun répète un thème (la contrainte est toutefois de jouer chacune des 53 phrases musicales notées). Riley recommande un minimum de 35 instruments, mais de nombreuses versions existent avec un effectif plus réduit (un concert a aussi réuni 124 musiciens) et Chafouin, ici en version duo fait de L'Austral (guitares, percussions et larsen de table) et de Lolot (steel drum, synthétiseur et percussions), utilise le studio pour nourrir la densité sonore du morceau, dont la durée est ramenée à moins de 24 minutes (contre 45 minutes à 1 heure 30 en général) mais que le groupe expérimental double d’un «C In», extension psychédélisante (les aspirations systématiques des bandes à l’envers) qui vire peu à peu au bruitisme.
Auguste
https://chafouin.bandcamp.com/album/in-c-3
https://www.youtube.com/watch?v=WkmBinXEvQE
25/06/2024 : Michael Brückner - Threequences
Michael Brückner
Threequences
retro space / Berliner schule - 69:05 - Allemagne 2024
Michael qualifie ainsi le genre de ses trois improvisations. Arpégiateur et séquenceurs analogiques et numériques forment la section rythmique. Les autres «instruments» sont joués «avec ses mains», dit-il. Ça rejoint un peu l’idée qu’avait Richard Pinhas du synthétiseur: «Le synthétiseur n’est [d’ailleurs] pas un instrument de musique, c’est une machine qui permet de moduler et d’explorer de nouveaux champs sonores. Je compose à la guitare, je ne joue pas de synthétiseur et je ne vois pas comment vous pourriez en jouer puisque ce n’est pas un instrument» (extrait d’une interview parue dans Prog-résiste n° 75). Je lui laisse la responsabilité d’assumer ces arguments que je ne partage pas! Le troisième volet du présent opus est un hommage au grand Klaus, les fans l’auront compris déjà avec son titre («Crystaloquence»). La première plage, «Freequence», alterne des cascades de séquenceur et de longs accords planants enfantés par des brumes synthétiques que rejoindront progressivement d’autres rythmes épurés. Quelques bruitages s’immiscent dans le glaçage harmonique et l’ensemble crée une quiète atmosphère propice au recueillement. On se laisse emmener dans les méandres événementiels de pulsars évolutifs jusqu’à s’en trouver hypnotisé et progressivement assimilé par ces strates cosmiques. Le trip s’étire sur vingt-huit minutes et nous plonge dans une torpeur quelque peu lénifiante. Surtout si l’on s’attend au fil des minutes à un envol qui ne viendra pas tout de suite. «Eloquence» poursuit dans cette gamme intimiste et, oserais-je dire, tant soit peu minimaliste. Séquenceur et arpégiateur toujours à l’ouvrage, mariés pour un trip d’une insondable quiétude. Michael est un alchimiste des sons qu’il transmute avec maestria. La texture quasi mélodique de ce deuxième volet émeut par sa douceur et son évocation d’espaces infinis. Portail vers des paysages oniriques enchanteurs chrysaldoriens. On trouvera déjà ici de fortes similitudes avec l’univers schulzien, des flottements synthétiques qui caressent les sens et stimulent l’imagination. Vagues mélodiques semblables aux ondes océanes d’une active force tranquille. Mais la perle de l’album est sans conteste cet hommage à Klaus Schulze et le rappel incontournable à «Crystal Lake» de l’une de ses pépites nommée «Mirage». «Crystaloquence» est d’abord sorti sur YouTube sous le nom «Crystal Fake» (en lien ci-dessous): dix-huit minutes de rêve stellaire. Des sonorités divines, cristallines, cosmiques. Une image de perfection et de pureté dans sa conception mélodique. Michael tutoie les anges, ouvre la porte des perceptions astrales et flirte avec l’Absolu. Ces instants merveilleux justifient à eux seuls l’acquisition de cet album. Ne passez pas à côté!
Clavius Reticulus
https://michaelbrueckner.bandcamp.com/album/threequences
https://www.youtube.com/watch?v=iYjAdfpIzzU
26/06/2024 : Moto Armonico - Wondering Land
Moto Armonico
Wondering Land
metal progressif - 71:03 - Italie 2023
Troisième album pour nos amis transalpins de Moto Armonico, victime d'un line up instable; il s’agit du premier opus depuis 2014. Le line up actuel est dirigé par le guitariste Uccio Ghezzer et le claviériste Christian Pasin, avec le bassiste Giampi Tomezzoli, le batteur Marco Beso. Un pur album de metal prog, puissant, direct, rempli de variations rythmiques et de breaks en tous genres. Comme souvent, les titres plus longs sont particulièrement intéressants, notamment «The Dragons from the East», «Just Three Words» ou encore «Unexpected Windy Week (Waves)» où l’on peut reconnaître du Dream Theater de la première époque mais avec un chant beaucoup plus relevé. Comme principale influence, on retrouve naturellement Pain Of Salvation, Vanden Plas et Queensrÿche et je dirais parfois un tout petit côté Rhapsody of Fire. «Wondering Land» est une sorte de concept inspiré d'une histoire fantastique d'Annamaria Ferrari qui raconte la lutte éternelle entre le bien et le mal, même si les rôles ne sont pas toujours aussi bien définis. Cet album est de bonne facture, j’ai passé un excellent moment à son écoute. Même si l’originalité n’est pas vraiment au rendez-vous, cela n’enlève rien à la qualité de «Wondering Land». Amateurs de metal progressif classique, cet album est pour vous. Très bonne écoute.
Vespasien
https://maracashrecords.bandcamp.com/album/wondering-land
https://www.youtube.com/watch?v=NiZflHkFF7s
27/06/2024 : Full Earth - Cloud Sculptors
Full Earth
Cloud Sculptors
rock progressif psychédélique / stoner / jam - 85:12 - Norvège 2024
Full Earth sort son 1er album, excroissance des Kanaan rock psyché avec le claviériste Øystein Aadland, ayant joué avec Ihsahn et Avkrvst. Deux autres claviers l’épaulent en plus du batteur Ingvald des Motorpsycho au groove de feu; une prolongation de la musique minimaliste de Terry Riley, un son gras stoner des Elder et autres High on Fire, un rock expérimental brutal, jouissif, aux riffs envahissants, vibrants développant du progressiste abstrait instrumental.
«Full Earth pt I: Emanation» lance l’album avec ce boulet incandescent amenant à la transe stoner grâce à un jam psychédélique; la seconde moitié monte jusqu’au break électronique latent avant le final explosif. Air cataclysmique profond d’où l’on imagine les cheveux headbanger avec frénésie. «Cloud Sculptors»: intro entêtante, redondante, électronique; musique contemporaine sur les Tangerine Dream, Popol Vuh; trois minutes et l’air «Rencontres du troisième type» se met en branle, tel un monstre sorti d’une faille temporelle. Musique pour déflorer les oreilles, ambiance spatiale éthérée, extase orgiaque métallique avant un retour flûte champêtre calmant les ardeurs. «Weltgeist»: interlude solennel pour un travail sur l’orgue inspiré de Ferraro et Ligeti; climat intime, pour voyager au-delà de l’espace d’où le son n’est plus capté.
«The Collective Unconscious» décline un air du regretté Vangelis pour un morceau bourré d’émotion; l’orgue flirte d’avec les travaux des Pink Floyd du départ pour cette montée psychédélique amplifiée aux douze minutes de la batterie pantagruélique; long mais exceptionnel pour cette tuerie musicale et le final à nouveau hypnotique, immense. «Echo Tears»: second intermède lorgnant sur un Tangerine Dream; des notes trépidantes qui s’égrènent dans les oreilles, telles un kaléidoscope primé durant les 80; final qui part sur du Schulze, vraiment différent. «Full Earth pt II: Disintegration» enfin sur du Glass du film «Réalité»; son monolithique durant quatre longues minutes avant la déferlante stoner à la Monkey3; le déluge avec rupture sera de mise, symbolisant la mise à mort incontrôlable d’un dinosaure prog, un melting pot des Floyds, de Riley et des Monkey3; plus d’électronique, plus de symphonique transe, plus d’explosion pour le final hallucinant et explosif, cataplexique.
Full Earth au son démentiel, gigantesque allant du krautrock à l’avant-garde, dérivant à la base sur un stoner puissant psychédélique, boueux et malfaisant; musique abstraite, forte, acide, contant des histoires oniriques, dessinant des notes entre lourdeur et frivolité; rock stoner prog envahissant avec changement de tempos pour garder l’éveil musical; son basé sur des modulations pour faire fondre l’auditeur et donner un aspect moderne.
Brutus
https://fullearth.bandcamp.com/album/cloud-sculptors
https://youtu.be/c0az8djBvwE
28/06/2024 : Pictures On Silence - Mental Haze
Pictures On Silence
Mental Haze
post-rock - 34:32 - France 2023
Derrière ce pseudo anglais se cache Fred Bressan, ancien du groupe grunge d'Aix-en-Provence Pigberman, qui a ressenti le besoin de produire une musique plus personnelle et intime, histoire, peut-être, d'éclaircir la brume de son cerveau. Voici donc son 1er album, où il fait tout sauf la batterie laissée à Quirin. L'album ouvre sur un orgue minimaliste à la Terry Riley, quelques nappes s'ajoutent, avant que le caractère post-rock ne se dévoile vraiment. «Band-Aids Don't Stick Anymore» abandonne, à mi-chemin, toute autre filiation après quelques mots proclamés, car vient ensuite la lancinante succession dépressive qu'offre le post-rock. C'est souvent noir, le tempo est lent, quasi suspendu. Le violoncelle de Tomo Rozman nappe et les notes de piano s'égrainent dans le sablier pour le bloquer. En vain.
L'atmosphère installée, vient «Endless skies» ouverture ambient/noisy avant que la batterie ne fournisse, enfin, un tempo libérateur, les nuages s’entrouvrent pour une exaltation post-rock caractéristique. Motifs solides avec soli de guitares acérées superposés.
«Megalomaniac»: après une déclaration demandant à ce que les sociopathes, psychopathes et mégalomaniaques soient arrêtés, la modulation d'intensités entre différents niveaux et différentes mélodies de guitares superposées se poursuit, soutenue par une batterie très créative.
«Brainwashed» vient plus léger, avec sa guitare quasi folk. Mais, bientôt noyée au milieu des multiples trames de guitares, elle réapparaît en même temps que la remarquable batterie émerge, carrée. Les vociférations «death metal» qui restent en arrière-plan dénoncent sauvagement le lavage de cerveau orwellien. «Soliloquy», outro introspection finale qui clôt ce 1er album, est bien représentatif du courant revendiqué qui, au-delà des aficionados du genre, pourrait bien séduire les plus curieux d'entre nous.
Goûtez!
Cicero 3.14
https://picturesonsilence.bandcamp.com/album/mental-haze
https://www.youtube.com/watch?v=lIC_ikoNgxA
29/06/2024 : Sykofant - Sykofant
Sykofant
Sykofant
rock progressif - 55:58 - Norvège 2024
Projet à l’initiative de Emil Moen (chant) et Per Semb (guitare), membres de Tantara (groupe de metal), rejoints par Melvin Treider (percussions) et Sindre Haugen (basse) pour composer ce quatuor et sortir leur premier album le 31 mai 2024.
L’album, inspiré par la science-fiction et l'esthétique psychédélique des années 70, plonge dans des thèmes existentiels tels que le temps, l'aliénation, la recherche du sens et la relation de l'humanité avec la nature en même temps qu’il entend explorer les influences musicales, de nos musiciens, sans être limitées par des affiliations de genre.
Ainsi la musique se colorie avec des éléments de pop, de jazz, de funk et de surf music. Nos musiciens s’amusent avec les changements de tempo, les dissonances et les mixages énergiques mais offrent, en même temps, un arrière-goût de simplicité acoustique. La batterie est, à la fois, jazzy et dure, les lignes de basse lourdes et funky, les solos de guitare virtuoses et accrocheurs, les riffs harmonieux et chaotiques.
Si vous n’êtes pas adeptes du «en même temps» du Président français, vous devez être quelque peu déroutés de cette présentation. Pour persévérer dans cette voie, sachez qu’au détour des titres vous pourrez entendre une inspiration évidente de légendes telles que Pink Floyd, King Crimson, Cream, Led Zeppelin, Jethro Tull, Yes, Beach Boys et Rush, ainsi que des influences plus contemporaines de groupes tels que Madrugada, Opeth, Mastodon et Porcupine Tree.
Cet album peut être considéré comme un hommage à ces groupes de rock et si votre humeur vous porte à la relaxation, reportez-en l’écoute à un moment plus propice au «headbanging».
Publius Gallia
https://sykofantband.bandcamp.com/album/sykofant
https://www.youtube.com/watch?v=pq0KLqtEW2k
29/06/2024 : Sykofant - Sykofant [2e avis]
Sykofant
Sykofant [2e avis]
rock progressif - 55:58 - Norvège 2024
Sykofant est un nouveau groupe qui sort son album éponyme sur une base musicale variée entre le heavy psychédélique, rock progressif des 60, 70 et 80; base fusionnelle d’avec la tessiture sonore actuelle, faite de riffs heavy et de cinématique ambiante. Les réminiscences vont sur Pink Floyd, Rush, Led Zeppelin, Iron Maiden.
«Pavement of Color» étrange, du rock écorché vif des 70's, du groove des 90's du temps des Alice in Chains, un zeste de rock sudiste, un son qui pose question, dans quel sens vont-ils? bref, déroutant; je garde l'oreille aux aguets. «Between Air and Water» enchaîne sur une longue intro orchestrale, guitare qui vrille, revenant taper dans l'étrier; la voix des 60’s, un son psyché, une guitare langoureuse, ambiance souvenir. Des chœurs visqueux, vintage, je me méfie; la mélodie psychédélique au relent des Floyd interpelle; 4 min et le break guitare acérée, latent aussi; cette montée donne l'énergie amplifiant le prolongement progressiste addictif; un peu de voix et la guitare heavy cristalline continue, contemplative, ensorcelante; la basse sur le son des premiers balbutiements des Maiden, metal prog avant l'heure. Un relent de Rush aussi tiens qui démarque. «Monuments of Old» enchaîne avec quelques voix off et la déclinaison instrumentale; retour sur le passé au niveau son, avancée pour l'atmosphère spleen des Light Damage pour ce son fleuret guitare; le riff basique accompagné de la batterie militaire et la digression sur du Rush, les groupes hard des 80's, le rock des Pearl Jam. Le son garde cette trame progressive marquée en proposant un melting pot de sonorités allant du rock garage dépouillé aux ambiances cinématiques sombres flirtant avec Marillion.
«Between the Moments» continue, voix posée d’un arpège minimaliste, l'air est fluide, le ton guilleret. Break riff heavy sur les Thin Lizzy pour cette fraîcheur des soli; du Floyd emmêlé avec un dub basse au loin, on se croirait à la fête de la musique. La déclive avec ces guitares incisives, rythmiques, les soli qui remplissent malgré l’absence de clavier. «Strangers» suit collé au point que l'on oublierait que ces 55 minutes sont scotchées. La guitare mélodique puis accrocheuse sur un riff hard rock 80's mis en valeur; la fusion de la voix rocker avec le rythme des Floyd amalgamé. La voix est écorchée, le rythme western sudiste à la Tarantino, une bande cinématique de film de cow-boys, puis une de gangsters des 60; «ouh ah, ouch argh» dit Emil qui nous emmène bien là sur le film spaghetti, désopilant, jouissif. Le final part dans l'espace ambiant éthéré, un qui fait dresser les poils, magnifique. «Forgotten Paths» comme une vague s'échouant, une guitare acoustique pour la voix et 3 min de fin; non le riff derrière vous à gauche, la basse qui sort devant, pas mal l'orchestration; 5 min et l'autre guitare à droite. Le riff monolithique qui emmène sur la cinématique, le western et sur le «Meddle» des Floyd. Un break sur Rush à nouveau et Iron Maiden pour régresser avant de s'envoler pour l'une des plus belles pistes progressistes. Qui a dit qu'il fallait des claviers partout dans le prog? Bref, cette montée crescendique est jouissive, addictive, mettant en prime le jeu de baguettes de Melvin.
Sykofant a fabriqué un son vintage avant-gardiste allant des 60's à aujourd’hui; une voix écorchée vive, des guitares imprimant le rythme et baladant l’auditeur sur des harmonies fluides, des rythmes enjoués, à la limite du blues, du hard pour une fusion éclatée mais structurée. Un son à part proposant des sonorités anciennes sur une trame dynamique moderne; un entrelacs bien ficelé faisant travailler nos souvenirs progressistes pour un premier opus orgasmique.
Brutus
30/06/2024 : André Duchesne - Ch'val
André Duchesne
Ch'val
rock / jazz progressif - 45:47 - Canada 2023
Une poésie mélancolique traverse, avec des circonvolutions et à son rythme, les 13 morceaux de «Ch'val», l’album du guitariste montréalais André Duchesne, patiemment construit en solitaire chez lui, entre marches matinales et évocations poignantes de sa sœur disparue – c’est elle qui «rêvait de chevaux». La guitare est à l’avant-plan, aux parties pas toujours écrites, mais Duchesne y ajoute basse, batterie – et, en de rares occasions, sa voix, plus récitante que chantante –, groupe virtuel à lui tout seul: le résultat est tendre, débutant par un échevelé «Ch’fal ch’fal», suivi du mélodique «À celle qui rêvait de chevaux», avant que l’inspiration ne se perde dans des pérégrinations plus jazzy («Rêves de chevaux»).
Auguste
https://ambiances-magnetiques.bandcamp.com/album/ch-val
https://www.youtube.com/watch?v=ufCEvWRV8eA