Mai 2024

01/05/2024 : Wegferend - En Autremonde - Chapitre Second

Wegferend
En Autremonde - Chapitre Second
dark folk – 48:53 – France 2023
Faisant suite au «En Autremonde - Chapitre Premier» de 2019, Wegferend nous propose le second chapitre de son œuvre aux relents païens. Ceci écrit sans acrimonie, une célébration de la nature, voici ce qu’est le monde païen. Venu du metal, le groupe parcourt les plaines folk en invoquant les musiques traditionnelles qui font bien souvent le bonheur des amateurs de rock progressif, même si ici ce n’en est pas. C’est le fameux courant dark folk généré par quelques black métalleux plus aventureux que d’autres et qui, surtout, cherchent un second souffle régénérateur en délaissant le côté obscur de la (leur) force, enfin surtout en le rendant plus audible pour la majorité! C’est l’automne qui est célébré avec guitares, flûtes à bec, sifflet, percussions légères et voix éthérées, mais aussi un rappel des temps anciens, avant que le christianisme n’enveloppe les anciennes religions en reprenant à son compte nombre de légendes et de lieux de culte, moulés à l’orée des nouveaux saints. L’Autremonde nous est révélé, arrimé dans les premières convulsions de la civilisation européenne, un monde enfoui sous terre mais bien réel, que nous avons masqué sous 2000 ans d’évolution pas toujours reluisante. Rêche et paisible à la fois, le second chapitre d’Autremonde titille quelque part dans un coin de notre cerveau les réminiscences que nous entretenons tous d’un monde perdu, d’un monde oublié qui nous fait toujours rêver, malgré les millénaires passés. Pas si loin en de fugaces instants, des mélopées les plus folk du Mostly Autumn des débuts, Wegferend perpétue l’ancestral esprit nordique qui recouvre l’Europe du voile diffus d’une nostalgie que nous portons dans nos gênes depuis la nuit des temps. Wegferend, ce sont les sœurs Cazaméa, Alexia au chant (divin!) et Manon aux guitares à six et douze cordes (acoustiques en diable!) qui chante aussi et Thomas Boissier aux diverses percussions et Irish Low Whistle, accompagnés par Pierre Burette au violoncelle sur «En Autremonde» et Jeff Grimal à la guitare pour «Druide»… Un album enivrant et mélancolique qui nous rappelle que le courant dark folk, bien représenté en France, est souvent une source de plaisir qui en appelle à notre atavisme profond.
Commode
https://wegferend.bandcamp.com/album/en-autremonde-chapitre-second
https://www.youtube.com/watch?v=cJTTXyQRcdE

01/05/2024 : Compassionizer - A Tribute to George Harrison

Compassionizer
A Tribute to George Harrison
rock de chambre – 23:08 – Russie 2023
Le projet est signé Ivan Rozmainsky (Roz Vitalis) et, sous le nom de Compassionizer, a l’ambition d’apporter un point de vue, instrumental et essentiellement acoustique (Rozmainsky électrifie toutefois ses claviers et Serghei Liubcenco parfois sa guitare – mais la part est faite belle aux clarinettes), à cinq morceaux écrits par George Harrison, deux datant de sa participation aux Beatles, les autres de la période ultérieure: les arrangements sont soignés, parfois complexes, conçus dans l’esprit d’empathie et de compassion du compositeur (on se souvient de son engagement face à la famine au Bangladesh), mais le rock de chambre que développe le quatuor de musiciens (Leonid Perevalov et AndRey Stefinoff sont les deux clarinettistes) souffre d’une gentillesse indolente et d’une pusillanimité circonspecte qui me laisse sur ma faim.
Auguste
https://compassionizer.bandcamp.com/album/a-tribute-to-george-harrison-ep
https://www.youtube.com/watch?v=x70tCWCvKSo

02/05/2024 : Strange Pop - Urban Legends

Strange Pop
Urban Legends
crossover / rock progressif / art rock – 39:52 – Pologne 2024
Strange Pop continue d’explorer le son analogique avec ce troisième enregistrement brut, frais et atmosphérique. Un combiné d’art rock et de climats sombres pour une déambulation dans la ville nocturne avec ses souvenirs souvent romancés devenant des légendes, essayant d’en comprendre l’attrait. Des Pink Floyd, Tangerine Dream et de son groupe précédent, Iluzion; il s’en affranchit pour garder le climat nostalgique et se confronter à ses légendes, au vu du temps qui passe, déformant notre perception.
«All My Nights» orgue d’antan, temps où on le prenait, sirène, porte qui claque, bruit de pas; un air fruité d’art rock funky soft, jazzy, sombre à la Sade; une voix soul, plaintive, de l’air qui coule comme un nuage de lait avec un solo guitare à la Al di Meola. «Disco» suit, dansant, fruité, sur un Herbie Hancock, trompette au loin, on imagine le son sortant d’un bar de nuit maintenant, d’une BOF comme celle de Roger Rabbit; le son et la voix lancinants avec les sirènes d’ambulance au loin, tout est diffus, cotonneux comme la brume sur la ville en fin de nuit; ambiance psyché spleen atmosphérique. «The Child» orgue des 10cc en fond, air métronomique, redondant comme une spirale musicale dans laquelle on serait englué, tel un jour sans fin; son envoûtant. «Wave/Night» réminiscence des bricolages d’Amarok et Riverside pour une démarche progressiste, recherche de sonorités nouvelles; violon et voix phrasée puis rappée qui roule, un chœur qui revient par vagues; guitare réverbérante, stridente, oxymore musical pour interpeller; complainte vocale avant le départ rock consensuel, soft, illuminé, hypnotique.
«Nocturnal Lifestyle» titre fleuve, flûte spatiale, une guitare gilmourienne, celle de Pablo; le morceau explose d’un coup avec l’ambiance électronique froide, du Massive Attack linéaire en fond; moment pour penser à cette ville fuie en partant se ressourcer en nature; réminiscence des Daft Punk, des Japan, une musique ambiante minimaliste; contemplative comme celle des Lunatic Soul, aidant à la réflexion sur notre société; final métronomique spatial plus qu’atmosphérique. «Step Out of the City» interlude au vu de la durée pour le morceau solennel dark ambient; sur un Lacrimosa puis sur les envolées électroniques des 80, à noter cette pureté des notes pour l’escapade hors cité et le bienfait vécu. «Splendid Solitude» avec le chant qui dénote, comme un titre de bande annonce de film, au moment où tu relèves le siège pour rentrer chez toi, loin de cette ville grouillante, à nouveau hypnotique et favorisant la régression.
Strange Pop reste sur le voyage psychédélique des 70’s. Un air sombre et sobre, créé sans mastering, le son brut qui sort de vos enceintes comme si le musicien était là; une musique naturelle sans vagues qui essaie de vous ramener un temps à la frénésie de la ville jusqu’à l’extinction des lumières au petit matin. Michał continue ses explorations et régressions en proposant une musique suintant la fin de nuit, à l’âme musicale mystérieuse, soul rock ambiant innovant. De l’art rock sombre pour rêver des escapades nocturnes.
Brutus
https://strangepopmusic.bandcamp.com/album/urban-legends
https://youtu.be/HuOOQ6H4HT4

03/05/2024 : It Bites FD - Return To Natural

It Bites FD
Return To Natural
pop progressive – 47:30 – Angleterre 2024
Voici un retour qui était totalement inattendu. En fait de retour, je devrais plutôt parler de «reboot» puisque, si cet album est signé It Bites, aucun membre de la dernière formation n’est ici présent.
Mais un petit flash-back s’impose pour comprendre…
En 1986, débarque sur les ondes et sur MTV une jolie ritournelle qui décrochera la 6e place sur les charts au Royaume-Uni. «Calling all the Heroes» est signé par un groupe s’appelant It Bites (sur le label Virgin, excusez du peu); sous une couverture pop se cache un vrai groupe de prog comme le prouvera leur deuxième album, «Once Around The World», deux ans plus tard. La patte du groupe se trouve essentiellement dans des compositions particulièrement enlevées, mais surtout dans la voix ainsi que le jeu de guitare impressionnant de son charismatique leader, Francis Dunnery. Après un troisième album tout aussi recommandable («Eat Me In St. Louis»), le groupe explose en plein vol, laminé par la pression notamment exercée par la maison de disques ne sachant pas comment classer ce groupe (trop pop pour les uns, trop prog pour les autres). La personnalité atypique de Dunnery n’y résistera pas. Un dernier témoignage est toutefois livré sous la forme d’un album live («Thankyou And Goodnight», en 1991) rempli d’une fougue inouïe.
En 2006, les trois membres restants (John Beck, Dick Nolan et Bob Dalton) décident de reformer It Bites en engageant nul autre que John Mitchell pour remplacer Dunnery. Cette formation sort deux albums tout à fait recommandables en 2008 et 2012 et perd Dick Nolan en chemin, remplacé par Lee Pomeroy. Toutefois, la magie n’y est plus, ce qui amène Bob Dalton à poster un message en 2019 annonçant que le groupe ne tournera plus et officialisant ainsi l’arrêt du projet.
C’est sans compter sur l’ami Francis qui, bon an mal an, mène sa carrière de son côté (il a été guitariste de Robert Plant, notamment) et qui, l’année passée, décide de tourner sous le nom It Bites avec un tout nouveau line up. Suite logique, voici donc un nouvel album studio porté par Dunnery sous le nom It Bites FD (pour des questions de droit, j’imagine). Au vu de la réputation du groupe, il s’agissait d’un projet potentiellement casse-gueule. J’avoue de suite que j’étais enthousiaste à cette annonce.
J’aurais donc aimé adorer cet album mais je ne peux que constater une franche déception. Bien évidemment, on retrouve la voix de Francis Dunnery intacte et son jeu de guitare est toujours aussi volubile et surprenant. Mais le problème vient de compositions faiblardes et d’un choix de production hasardeux. En effet, l’album a été enregistré en cinq jours sur une console 24 pistes, sans plug-ins, sans logiciels et sans manipulation digitale. On entend donc vraiment le groupe comme s’il jouait live dans notre salon mais avec, comme corollaire, des arrangements très peu travaillés et une production assez plate. Concernant le style, on touche parfois au folk et au jazz mais, à part un sens mélodique quasi-intact, peu d’éléments nous ramènent à ce qui fut la force de frappe de It Bites dans sa première itération.
Cela étant, c’est un album sincère (impossible pour Dunnery de ne pas l’être) mais on ne peut s’empêcher de penser qu’un groupe, c’est toujours la rencontre (voire le choc) de plusieurs individualités. Or, ici, il s’agit plus d’un album solo de Francis Dunnery.
Comme souvent, à chacun de se faire son opinion.
Amelius
https://francisdunnery.bandcamp.com/album/return-to-natural-final-mix
https://www.youtube.com/watch?v=DUEbPKEovuM

04/05/2024 : Sfaratthons - Odi Et Amo

Sfaratthons
Odi Et Amo
rock progressif italien / symphonique vintage – 55:48 – Italie 2023
Troisième disque en 7 ans pour le groupe Sfaratthons, né dans les années 80, et qui n'a commencé à publier qu'en 2016. Leur nom signifie «fainéant» en dialecte! Ils y ont mis le temps, mais depuis, le rythme des sorties est soutenu, tout en restant raisonnable; on est loin de certains stakhanovistes prog! Actuellement quintet, autour de la famille Di Nunzio: Giovanni (voix, guitares), Luca (claviers, guitare, voix) et Mario (basse); il y a aussi Cecilio Luciano (batterie) et Giovanni Casciato (guitare). En guest ils ont convoqué, une fois de plus, le flûtiste de jazz anglais Geoff Warren, qui compose même la suite «Zarina», histoire d'amour d'une jeune fille de 14 ans qui épouse un tsar. Ses interventions lumineuses en font ici l'instrument solo principal de l'album. Assez peu jazz, néanmoins. C'est assez symphonique, développant de belles mélodies très léchées, tel l'initial «Odi Et Amo» qui captive immédiatement, nous emportant dans un tourbillon d'envolées emphatiques de Mellotron, de flûte, de piano. Même si l'on se perd un instant en milieu de piste, l'ensemble magnifiquement vintage est superbe et me fait penser aux regrettés Pulsar. D'autant que le suivant, «La Donna Amata», ouvre par un Moog et une flûte proche de ce qu'ils auraient pu écrire. Mais assez vite le gêne RPI parle, sautillant et lyrique, dépeignant cet homme qui attend son aimée; le chant qui n'arrive qu'en fin de piste n'a rien a envier à celui de Pulsar. Mais comme cet album est principalement instrumental, ne boudons pas le réel plaisir que sont «Maddalena» et ses voix célestes dans une atmosphère suspendue. Le piano lancinant, la basse tellurique, le violon agonisant, la flûte virevolte, avant que les grandes orgues et le Moog ne mettent de l'ordre puissamment. Remarquable!
«Saffo» qui fait la part belle à la basse et aux nappes de Mellotron conclut, dans un climat plus jazz/ECM, cinq pistes de 8 à 12 min, de belle manière. Et avant une outro de «Odi Et Amo», le court «Ti Dono Una Canzone» fera tendre l'oreille aux échos du Pink Floyd.
Entre Odi et Amo, je choisis Amo!
Cicero 3.14
https://open.spotify.com/intl-fr/track/74AJ2h4JOl1jfwnhawrPpA
https://www.youtube.com/watch?v=clQ_WYfuFtw

05/05/2024 : Eclectic Maybe Band - Bars Without Measures

Eclectic Maybe Band
Bars Without Measures
jazz / rock in opposition – 60:58 – Belgique 2023
Guy Segers a une histoire derrière lui, d’Univers Zero à Art Zoyd en passant par X-Legged Sally, un chemin le long de quatre cordes qui l’a amené à se faire quelques connaissances en cours de route: c’est près de trente instrumentistes qui concourent à ce quatrième album du bassiste bruxellois, de Jean Pierre Soarez à la trompette à Thierry Zaboïtzeff derrière son violoncelle futuriste, avec, entre les deux, Mark Bogaerts (saxophone), Dirk Descheemaeker (clarinette), Pierre Vervloesem ou Michel Delville (guitares) – sans oublier la voix de Julie Tippetts (anciennement Driscoll, quand elle chantait avec Brian Auger), autant de contributions semées puis récoltées à distance ou enregistrées lors de séquences d’improvisation (plutôt inspirées) et sculptées en strates superposées par Segers. Les onze pièces de «Bars Without Measures» mêlent avec une intelligence venue des tripes le rock, le jazz, le contemporain, un peu d’expérimental, les rythmes écervelés, les moments mélodiques et les dissonances – sans cesse en mouvement, on ne repasse jamais deux fois au même endroit.
Auguste
https://discusmusic.bandcamp.com/album/bars-without-measures-159cd-2023

06/05/2024 : Tryo - Suramérica

Tryo
Suramérica
rock progressif andin – 50:33 – Chili 2023
Le Chili possède une scène prospère de rock progressif, initiée depuis les années 60 notamment par Congreso (17 albums) et Los Jaivas (15 albums), puis En Busca del Tiempo Perdido et bien d’autres malgré l’arrivée de la dictature en 1974.
Et il y a la descendance qui porte l’héritage, elle aussi, du mouvement «Nueva Canción Chilena», tel Tryo qui n’est pas le groupe de reggae acoustique français mais un groupe de progressif, d'art rock, de fusion et de rock acoustique.
9 albums en 35 ans d’activité expliquent la maturité de la musique alliant acoustique et électrique, instruments classiques et indigènes, calme et tempête. Le chant est en espagnol, bien entendu et le groupe accorde beaucoup de soin aux voix (chant, contre-chant…), quand les titres ne sont pas purement instrumentaux (4 titres sur les 9).
Le rock progressif percutant, unique et distinctif, est le résultat de la fusion de divers genres musicaux, y compris le metal («Elementos»), le rock progressif 70’ («Canaeros Celestes», «La Huida», «Danza Rebelde»), le jazz («La Huida»), le folklore latino-américain («Nómades», «Orillas»), la musique chilienne («Trascender»), la musique du monde et la musique classique («La Unión»), offrant une grande variété sonore à cet album et la discographie générale du groupe.
«Suramérica» illustre non seulement l’approche progressiste du groupe et accentue l’aspect symphonique, mais brandit également l'étendard du progressif latino-américain, une fusion puissante qui illustre le lien profond entre la musique et le riche héritage culturel de la région.
Ce disque représente aussi une période transitoire et de «passage de flambeau», puisque le trio originel est devenu quintet (ajout d’un percussionniste et d’un claviériste) le temps de cet album, juste avant que Félix Carbone, fondateur et percussionniste, ne quitte le Chili pour venir s’installer près de Lille et enseigner son art.
Publius Gallia
https://mylodonrecords.bandcamp.com/album/suram-rica
https://www.youtube.com/watch?v=7vXniWrG6uo

07/05/2024 : Arnaud Quevedo & Friends - 2nd Life

Arnaud Quevedo & Friends
2nd Life
Jazz rock progressif – 63:58 – France 2023
Arnaud Quevedo n’est pas le nom le plus célèbre du paysage progressif français, pourtant il est honoré par une communauté underground depuis la parution de son premier opus «OniZ» en 2012, suivi d'«Electric Tales» en 2020 et de «Roan» en 2021. C’est en juillet 2023 que sort son quatrième album studio, «2nd Life», que voici. Âgé de 43 ans, Arnaud Quevedo s’est d’abord essayé au répertoire des Zappa, King Crimson, Magma et Gong… On ne peut pas dire qu’il ait choisi la facilité mélodique, mais notre homme inculque la musique au Conservatoire depuis 2007 et c’est avec ses élèves qu’il reprenait donc les formations citées plus haut. «2nd Life» est constitué de huit morceaux de plutôt longue durée pour la plupart, ce qui permet de bien mieux développer ses propres idées. Un allègre mélange des influences qu’on lui connaît maintenant, je ne vais pas les répéter à chaque phrase, vient donc de ce cocktail euphorique qui a su agglutiner et barioler ce qui se fait de mieux en avant-prog et jazz-rock, si j’ose appeler certaines compositions ainsi! La voix d’Eloïse Baleynaud rappellera immanquablement les vocalises si caractéristiques, entendues au sein de Magma, par exemple. Le premier titre, «2nd Life Part 1: Awakening», d’une durée de 10 min 38 s, argumente en cela tout à fait en faveur de ce melting-pot. Quevedo et sa troupe ont réussi le pari risqué d’obtenir un rock progressif souple et rigide à la fois, d’une richesse étourdissante, où l’on remarquera l’inouï mariage de la flûte et du saxophone (Lucille Mille et Julien Gomila). Si je prends au hasard, tiens… le second morceau «Any», on ne peut s’empêcher d’y retrouver la langueur mélancolique des deux premiers King Crimson; donc, oui, L’AQ&F (Arnaud Quevedo & Friends) ne se tient pas stricto sensu dans les mondes perturbants des Zappa et Magma. Mais chroniquer un tel album est toujours un peu casse-gueule, car chaque mélomane au fait de ces styles musicaux va y puiser ses propres références et contrecarrer mon opinion sans problème. Il n’en reste pas moins qu’écouter pour la première fois un album du AQ&F est une expérience enrichissante et plus que plaisante; les anciens vont y retrouver, non sans émotion, un peu de tout ce qui faisait la prospérité musicale des années 70, une fois de plus. Mais tout ne vient-il pas de là?
Commode
https://arnaudquevedo.bandcamp.com/album/2nd-life
https://www.youtube.com/watch?v=Ff2eyepPc4Q

08/05/2024 : Erich Zann Ensemble - Bieber Sessions

Erich Zann Ensemble
Bieber Sessions
jazz psychédélique – 76:49 – Allemagne 2024
Ce projet à l’identité variable (des musiciens entrent, d’autres sortent – à la manière d’Amon Düül et de son projet communautaire de la fin des années 1960, la qualité instrumentale en plus) autour du bassiste Frank Incense (il chipote aussi pas mal avec l’électronique et officie par ailleurs auprès des krautrockers allemands de The Sun Or The Moon) se réunit un jour (en fait, un week-end ensoleillé de l’été 2023), au Tonstudio Bieber à Offenbach am Main, autour d’une musique de jazz (psychédélique) sortie des lèvres du trompettiste Don Cherry dans ces fabuleusement créatives années 1970 et accouche des «Bieber Sessions», partagées en cinq morceaux à la passion soutenue et extensive, outrageusement colorés, planants, évasifs et évasés: Frank Incense à la basse (outre l'électronique), Daniel Reck et Christoph Heimbach aux saxophones, Niclas Ciriacy à la batterie – et, en guests, Oli Rüger à la guitare, Kerstin Pfau aux voix (célestes) et Ajay Desai au tabla – installent une interrogation lancinante, tout au long de cette glissade dans le gras d’herbe et de mousses d’une forêt aux arbres pleins, denses et fraternels – qui est donc Erich Zann?
Auguste
https://erichzannensemble.bandcamp.com/album/bieber-sessions

08/05/2024 : Gabriel Keller - Trio

Gabriel Keller
Trio
folk progressif – 25:03 – France 2024
Comme une respiration entre le premier disque («Clair Obscur», paru en mars 2022) et le second («Hope Despite Everything», à venir en juin 2024), cet Extended Play nommé «Trio» présente six charmantes et délicates compositions, interprétations acoustiques de morceaux issus des deux albums, aux arrangements ciselés, avec, autour des guitares de Gabriel Keller, le violoncelle de Lucie Lacour et le chant de Charlotte Gagnor (les autres donnent également de la voix à l’arrière-plan et Angelina Pelluet apporte la sienne, soyeuse, dans «Poussières Eternelles» – une pièce qui, de même que «Mahaut», évoque la genèse d’harmonies vocales entendues du côté de Montréal à l’ère de Beau Dommage). C’est frais comme un coupe vanille aux fruits rouges de saison et doux comme le duvet d’une framboise.
Auguste
https://gabrielkeller.bandcamp.com/album/trio
https://www.youtube.com/watch?v=vmo68Mzemdg

09/05/2024 : Sun Q - Myth

Sun Q
Myth
heavy progressif – 43:00 – Russie 2023
Les amateurs de rock progressif aiment les albums traitant de sociétés dystopiques… Tant que c’est de la fiction!
Mais quand la société est organisée de telle façon qu'il soit impossible de lui échapper et dont les dirigeants peuvent exercer une autorité totale et sans contrainte de séparation des pouvoirs sur des citoyens qui ne peuvent plus exercer leur libre arbitre, c’est une autre histoire. Je n’assimile pas automatiquement le citoyen à son pays, la limite étant qu’il soutienne ou pas la politique de ce pays.
Aussi quand j’ai reçu l’album de Sun Q, j’ai été attentif à savoir si le groupe était nationaliste ou identitaire. Et j’ai été rassuré assez rapidement en apprenant qu’il avait essayé de capturer, dans ce deuxième album, ce sentiment qu'aucun d'entre nous, dans un confort sûr, ne peut savoir ou ressentir. Avec sa patrie sur le point d’en détruire une autre, et ne la soutenant en aucune façon, le duo s’est senti perdu et abandonné.
Les neuf titres ont été enregistrés en Russie, avec de vieux et rares synthétiseurs soviétiques, sur des matériels à bandes magnétiques anciens. Cependant, au fur et à mesure que la guerre se déroulait, le processus été perturbé, rendant impossible l'achèvement de la production de l'album. Sun Q a dû terminer l'album dans d'autres pays. Il a été mixé en Angleterre et mastérisé aux États-Unis, tandis que les musiciens supervisaient le processus depuis la Turquie et la Moldavie.
Un large éventail de musiciens a contribué à l'enregistrement, enrichissant les chansons avec des bois et des cuivres, sans parler d'instruments originaux comme le nyckelharpa suédois (vielle) et des percussions africaines. Trois chœurs différents de Russie, des États-Unis et de l'Ouganda apparaissent sur les titres.
Si vous ne deviez en écouter qu’un, ce serait «Cristal Doors»…
Publius Gallia
https://sunqband.bandcamp.com/album/myth
https://www.youtube.com/watch?v=K7HPPoOf3To

10/05/2024 : Catalyst*R - Pace Of Change

Catalyst*R
Pace Of Change
rock progressif – 60:51 – Angleterre 2024
Catalyst*R sort son 2e album sur une tessiture mélancolique avec des prolongements mélodiques aux Porcupine Tree; un opus étrange à rebondissements, effets sonores mélo-métalliques avec des musiciens d’ESP et de This Winter Machine; rock prog innovant, des touches cinématiques et un son rock wilsonien, marillionien et sagaïen pour les vocaux; son moderne avec des réminiscences de bon vieux rock prog pour partir dans un nouvel espace musical.
«Pace Of Change» intro latente, spatiale, partant sur un rock AOR, un prog metal et son riff hard qui peut surprendre; le break piano cristallin, éthéré et ce riff crunchy ne font pas bons ménages; Damien voix légère pour fusionner les deux, la déclinaison mi-parcours, espace progressiste innovant entre chœurs aériens et onde atmosphérique; une charrette passe, ébat porcupinien avant le retour du riff trop présent qui laisse penser metal; la voix sur Michael de Saga au loin et un bruitage cinématique final avec son arpège hackettien. «Dust Within The Seams» pour la mélodie piano-vocal cristalline, genre «Dust in the Wind» mélancolique et envoûtante; le son se pose, Saga en fond; le solo de Gary sur une note expressive, émouvante, la basse prégnante; le son se pose avec un dernier solo aérien saupoudré de chœurs. «Ghosts On The Radio» entame cinématique des Marillion; l’air sur un rock FM avec riff et synthés doux, Damien continuant de lorgner sur le groupe canadien; le break guitare hypnotique, entêtant vaut son pesant avant un déluge de percussions et un final... radio. «Homesick» ambiance lancinante, mélancolique, arpège guitare, mélodie d’entrée consensuelle; le break avec ce solo clavier vintage et ses lignes émotives, cette guitare derrière qui enfle, le piano cristallin, le sang prog abonde ici; break à 6:35 comme au bon vieux temps, ça explose, un violon vient semer la mélancolie; air militaire solennel, on est bien; le crescendo vocal final amène le solo de l’album, torturé, puissant et jouissif, la baffe.
«Unbroken» air prog métal nerveux, mélangeant rythme et mélodie; Damien lançant sa voix telle des pétales de rose; morceau qui déroule comme le solo guitare qui montre une fois de plus maestria et qualité. «Pendle Hill 1612» oui c’est la durée du titre et l’histoire du procès des sorcières en toile de fond en 1612; blizzard, synthé spatial, on se croirait sur Enigma, sur «Brave» de Marillion; ligne mélodique aérée, fraîche, des lignes de piano à la Supertramp ça dévale, repoussant la noirceur mélancolique du départ; un tiroir basé sur les vocaux, rappelant le fabuleux «Generation 13», espace latent, atmosphérique; l’arpège avec voix lointaine et le sens mélodique amplifie l’explosion finale et son solo guitare envoûtant; un voyage sonore intelligent avec des cloches olfieldiennes finales. «We'll Say Goodbye In The Rain» piano pour la ballade, mélancolique, aérienne, posée. Damien avec sa voix assure; comptine à la Alan Parsons bourrée d’émotion au final.
Catalyst*R propose un nouveau son, complexe, inventif et déroutant, avec des bribes de sons progressistes mixés sur des airs modernes; du mélodique avec du métallique, du new rock wave énergique; Damien a aimé le glam, Gary les guitaristes à fort caractère et Greg le sens du rythme. Un opus bien plus complexe que le premier titre qui peut rebuter; mais un progueux réel écoute tout un album avant de se faire une idée, pour sûr! Un très beau moment en tout cas, très novateur.
Brutus
https://catalystr.bandcamp.com/album/pace-of-change
https://youtu.be/vhXoZBCLaK4

11/05/2024 : Enslave The Zombie - The Zoon Point

Enslave The Zombie
The Zoon Point
space rock – 55:52 – Norvège 2023
Dans l’imaginaire des musiciens de Enslave The Zombie, «The Zoon Point» est cet ultime endroit où mène le voyage, dans le néant lointain et inconnu, jusqu'à l’étoile psychédélique de paix pour tous les humains et animaux, pour tous les oiseaux et les poissons – au pire, on peut faire une place pour les insectes, le microbiote et, pourquoi pas, quelques virus bienvenus. Enregistrés à Kongsberg, les neuf morceaux de ce nouvel album des asservisseurs norvégiens de zombies sont une excursion statique, à la manière de Radio Massacre International, quelques claviers en moins au profit de guitares (œuvrant plutôt dans les aigus), entièrement guidée par nos pavillons, tympans et chaînes d’osselets, responsables de l’acheminement de ces vibrations aériennes cuisantes vers les cellules ciliées, elles-mêmes transformatrices des sons en signaux nerveux, acheminés au cerveau via les nerfs auditifs: une vue sur l’infini de l’espace sans bouger de son transat.
Auguste
https://enslavethezombie.bandcamp.com/album/the-zoon-point
https://www.youtube.com/watch?v=hJHNB8mZX98

12/05/2024 : Fjieri - Words All We Have (Reloaded)

Fjieri
Words All We Have (Reloaded)
art rock – 74:54 – Italie 2024
Né quatuor en 1997, Fjieri s'est réduit dès son second album en 2015 à un duo formé de Stefano Panunzi (claviers) et Nicola lori (basse et guitare). C'est ce même album qui ressort en ce début d'année 2024, avec, en bonus, l'instrumental inédit «A Sense Of Lost» qui ouvre magnifiquement l'album.
Le duo italien s'enrichit sur tous les titres chantés de Jakko Jakszyk (voix et guitare, King Crimson) ou Tim Bownes qui participent alors à l'écriture. Piste aux étoiles, aussi, derrière les fûts le local Daniele Iacono (Ezra Wilson) y côtoie Gavin Harrison (King Crimson).
Stefano Panunzi est déjà apparu dans notre page en 2021 et 2023 pour de superbes albums solo avec une partie de cette galaxie de musiciens que je ne citerais pas tous.
Le propos Fjieri est un peu différent, mais cela restera un vrai délice pour les amateurs d'art rock, jazzy où la belle voix de Jakko au phrasé naturellement doux est nostalgique, «City Lights» m'évoque David Sylvian (Japan). D'ailleurs, Richard Barbieri (Japan) avait déjà participé à leur 1er opus. Et Fjieri reprend ici «Flame» de l'album de Barbieri et Bowness.
La trompette bouchée de Mike Appelbaum ou le sax de Nicola Alesini accentuent parfois le côté jazz, mais l'ensemble s'équilibre avec le prog des rythmiques plus punchy de «Before I Met You», de «Not Waving, But Drowning» ou avec la guitare parfois Fripp soundscape de «It Would All Make Sense». S'ouvrent alors autant d'horizons que l'on parcourt avec délice nous éloignant de la langueur. La basse de Nicola y tricote tout le long, avec virtuosité, des rythmiques chaloupées bien mises en son dans ce mixage très soigné.
Un ensemble délicat et précieux, remarquable (re-)sortie!
Cicero 3.14
https://stefanopanunzi1.bandcamp.com/album/fjieri-words-are-all-we-have-reloaded
https://www.youtube.com/watch?v=ZxTN6HcCfmw

13/05/2024 : Experimental - Homónimo

Experimental
Homónimo
rock progressif / expérimental – 50:26 – Chili 2023
Experimental est un trio – Andrés Moraga (basse, boîte à rythmes, programmation, samples et voix), Jorge Álvarez V. (guitare et voix) et Rodrigo Sepúlveda E. (guitare) – formé en 1999, cliniquement mort en 2008 (les musiciens s’éparpillent alors dans des projets de musique à l’image ou dans de nouvelles collaborations) et ressuscité en 2023, à la réputation établie dans sa longue langue de terre natale (le Chili), qui refourbit ses armes pour ce nouvel album «Homónimo» (homonyme en espagnol) et propose onze titres rêches, aux guitares souvent distordues, aux rythmes parfois carrés («Hiperbass»), parfois rebondissants («Hormigas»), aux émulsions hypnotiques («Japan») et aux penchants marqués pour King Crimson et son Robert Fripp de guitariste, avec quelques incursions dans des territoires plus électroniques («Slow Attack») – et une difficulté relative (la faute à une panoplie sonore étriquée? – «Viaje Astral») à maintenir l’attention (la tension) sur un album entier.
Auguste
https://mylodonrecords.bandcamp.com/album/hom-nimo

14/05/2024 : Ian Boddy - Elements of Chance

Ian Boddy
Elements of Chance
synth vintage eighties / early electronic music – 60:48 – Angleterre 2024
La K7 «Images», éditée en tirage très limité sous le label Mirage dans les années 80 et récemment redistribuée par Ian Boddy sur Bandcamp, n’a obtenu, d’après lui, qu’un succès mitigé. Il continue cependant sur sa lancée avec ce «Elements of Chance» dont les enregistrements, datant de 1980 et 1981, sentent bon l’électronique de l’époque. À 21 ans, Ian acquiert une boîte à rythmes Boss Dr. Rhythm et un synthé mono Roland SH2 ainsi qu’un séquenceur CSQ-100. Cette avancée technologique lui permet d’étoffer ses horizons musicaux. Ceci apparaît d’entrée («Iaja») par des compositions qui flirtent avec des sonorités proches d’un «Merge» (in «Empetus») de Steve Roach. Cette première plage met en vedette Sid Smith qui y joue de la basse sur un séquenceur AKS complété d’un riff de percussions; l’ensemble, outre sa référence à Roach, est très cousin des compos de Manuel Göttsching («Belle Alliance», «Blackouts» e.a.). «Natural Motion», qui suit, prolonge cette mouvance de sonorités issues des années 80 qui ont vu naître des groupes comme The Stranglers et New Musik dont on percevra quelques échos. «Four Views» s’ouvre sur de superbes motifs de flûte joués par David Burns modelés en mode delay sur bandes magnétiques Revox. Cette superbe composition est travaillée en quatre mouvements. Parmi les instruments utilisés, on trouve un Korg Lambda, matériel emprunté et destiné particulièrement au travail d’accords pour le final. Un côté aérien et pastoral qui caresse subtilement les sens se dessine peu à peu, évoluant vers un mood «Classique» coulé dans de longues notes qui s’étoilent sur un rythme discret. Les presque dix-huit minutes enchaînent en douceur les différentes successions d’ambiances. «Surface Tensions» produit un joli bruit blanc progressif traversant une banque de filtres EMS. La plage éponyme offre un canevas plus mécanique et plonge dans des tessitures que Heldon/Pinhas n’aurait pas désavouées. Univers beaucoup plus expérimental en intro cette fois. Cette ambiance inquiétante mue au fil des minutes en notes rapides sur un rythme hypnotique et se métamorphose encore en notes voisines de celles d’un Ultravox dépourvu de chant. Le morceau atteint un crescendo avant de retomber dans une fin aux couleurs ambient avec un Sid Smith revenant jouer quelques harmoniques de guitare basse passant par un delay à bande. Texture symphonique mais conjuguée en quelques notes sans artifices pour le premier bonus («Lambda»). Mélodie bourrée d’émotion condensée. «So Rare» fait immanquablement penser à la new wave eighties façon The Stranglers. «Sneakers» clôture le tout par une sorte d’étude pour percussions électroniques accompagnées d’un jeu de basse cascadant un peu jazzy. Un travail varié donc, issu des premiers travaux de Ian qui ne manquent assurément pas d’intérêt.
Clavius Reticulus
https://ianboddy.bandcamp.com/album/elements-of-chance
https://www.youtube.com/watch?v=7yZxJA6KCfo

15/05/2024 : Amarok - Hope

Amarok
Hope
rock progressif / crossover / atmosphérique – 57:47 – Pologne 2024
Amarok créé en 1999 par Michał Wojtas; adepte de Jarre, d’Oldfield puis Gilmour, tout est dit pour indiquer les réminiscences de son groupe, nom en honneur de l’un. Un temps avec Soundwich, Ars Mundi, l’inspiration sur Beck, Knopfler pour imprimer un sens mélodique raffiné et un 7e album tout en finesse. Du crossover, prog world ethnique, symphonique, singulier, une musique bariolée, éclectique bousculant les codes traditionnels progressistes, offrant des crescendo ambiants, mélangeant puissance et délicatesse.
«Hope Is» départ heavy sur un riff graveleux, synthé doux pour arrondir; Marta imprime la patte Amarok, le côté nerveux-space et le synthé qui vibre; lourd, pesant et planant comme un remake de «Hero» en plus fort sur The Gathering; solo slide guitare gorgé d’émotion pour un final en compte à rebours. «Stay Human» sensation mélancolique, bucolique, celle des Anathema, douceur répétitive pour entrer dans l’album; break au thérémine pour captiver et remettre du rythme, l’un de ceux explosif avec des percussions tribales; pour headbanger en 2024 de façon overloop. «Insomnia» slide sudiste, scandinave, choisissez; guitares étirées, ambiance feutrée, guimauve fondante; chœurs murmurés, violon; émotion en barre pour la ballade et le solo guitare gilmourien; le final explose dans la lignée d’un The Gathering indie rock avec Michal montrant son talent vocal et claviers.«Trail» entame percussions floydiennes, rythme trance, drum & bass l’innovation est là; l’âme de Jean-Michel Jarre aussi; l’électronique s’invite, Marta et les synthés partent sur Oldfield et Knopfler; un crescendo jouissif fait pour rêver en transe; la dernière partie explose, c’est le mot, sur ces titres différents: une brutalité contrôlée de sonorités lourdes, envahissantes, hypnotiques qui fait dodeliner comme pour finir ce trail de haute voltige. «Welcome» son cold wave au loin, batterie et Konrad au vocal, air métronomique, la guitare lorgnant sur celle de Ry Cooder; psyché-transe orgasmique et aérienne d’un coup avec ces sons vintage comme le clavier floydien.
«Queen» débute par un air post-stoner, Kornel au chant pour monter sans peine ce titre; son langoureux des Monster Magnet, Monkey3, la voix me rappelant les Smashing Pumpkins; le violon ajoute une couche plaintive mélancolique avec extase orgasmique; final decrescendo. «Perfect Run» instrumental au synthé assourdissant amenant un rythme syncopé, dansant, prêt pour partir jogger; une trace du Tangerine Dream des 80, un interlude à la limite d’un Lunatic Soul enthousiaste, un air qui se conjugue comme un air répétitif hypnotique. «Don't Surrender» piano solennel, voix prenante, arpège mélancolique, refrain envahissant de sa douceur; le synthé réverbérant, la voix phrasée posant ce titre, ballade militaire jour de deuil; le solo saxo ah non guitare chaud, langoureux, perturbant avec une montée crescendique finale. «Simple Pleasures» chevaux, piano, l’air de recueillement suinte; titre axé sur l’ambiant, la progression, la latence; Michal montre qu’on peut faire de belles choses avec peu. «Dolina» avec son accordéon sur un texte polonais typé; comptine digne d’un «Temps des Gitans».
Amarok propose un album avec des titres se démarquant les uns des autres sur une même trame envoûtante; électronique, organique, un art-rock puissant, heavy par instants, aidé de Colin Bass et Mariusz Duda. Un son innovant rock post-prog ambient tirant sur la world, le folk, explorant des facettes nouvelles. Un opus qui évolue, le but d’un groupe progressif avec des espaces lancinants, d’autres atmosphériques pour un creuset musical. De l’émotion, du mysticisme, du grand art rock.
Brutus
https://amarokmusic.bandcamp.com/album/hope
https://youtu.be/2wDcrudXhxk

15/05/2024 : Sylvaine - Eg Er Framand

Sylvaine
Eg Er Framand
folk atmosphérique – 28:07 – Norvège 2024
Kathrine Shepard, les cordes vocales derrière le nom de Sylvaine, enregistre les six pièces de l’Extended Play «Eg Er Framand» dans l’église de briques rouges, construite à la fin du 19e siècle après l’incendie qui dévaste le quartier de Kampen à Oslo (elle grandit à la périphérie de la ville, âme urbaine proche de la nature), profitant de la réverbération naturelle du lieu pour tisser, de sa voix et de l’orgue (elle joue de tous les instruments et assure les arrangements), une atmosphère fascinante et lancinante, où se mêlent, moitié-moitié, chansons folkloriques norvégiennes et compositions originales, qui servent une transcendance athée, fervente et austère, exaltée et contenue – comme une musculeuse introspection des racines de sa généalogie.
Auguste
https://sylvainemusic.bandcamp.com/album/eg-er-framand
https://www.youtube.com/watch?v=mUJ2wM2E19Y

16/05/2024 : Arin Aksberg - Nordic Patterns

Arin Aksberg
Nordic Patterns
e-music / ambient / new age – 54:25 – Norvège 2024
Premier album pour ce Norvégien de 24 ans, originaire du nord du pays. Le pays des Sami. Là où les nuits d'hiver et les jours d'été ne finissent ni ne commencent. L'inspiration est ici plutôt hivernale. Pochette en noir et blanc, l’atmosphère est sombre et mélancolique.
«A Time Given», qui ouvre, est un délicieux mille-feuille aux multiples motifs superposés, sous-tendus par quelques notes basses qui fournissent le rythme d'une respiration lente. Le périple dans les paysages enneigés démarre: «Leaving Home», plus ambient, épuré; grandes étendues et vents froids nous happent. «A Look Back» et sa boucle initiale autour de laquelle tournoient d'autres motifs revient, après un court break plus panoramique, emplir tout l'espace à coup d'arpeggiator. «Flowing River», ambient absolu. Sur la berge de la rivière, tout semble immobile; pourtant l'eau qui coule n'est jamais la même. «The Chapel», aux échos métalliques, donne l'impression que la chapelle est faite de glace et le bourdon d'un grand orgue module lentement le temps, avant que ne s'égrainent comme des notes de pluie. «Skaidi»: entre cascade puis tempête au loin. Lente montée de notes basses avant qu'un souffle plus aigu n'invite une poussée plus puissante et inquiétante. «Cut Fjord»: artefacts polyphoniques à basse fréquence, opportunité d'une léthargie. «Homecoming», avec Sam Rosenthal (le fondateur, en 1983, du label Projekt qui publie ce disque), est un tantinet plus electro; la boîte à rythmes y fournit un bpm nettement plus élevé. L'excitation du retour. «A Time Spent (Anja)», 8 années de sa relation révolue avec sa compagne(?), clôt l'album. Ce retour à l'ambient, avec ses motifs de piano mats et/ou réverbérés, nous laissera, après 3 minutes, nostalgiques et apaisés.
À suivre…
Cicero 3.14
https://projektrecords.bandcamp.com/album/nordic-patterns
https://www.youtube.com/watch?v=zpzxK59kNag&list=OLAK5uy_m3rooRdsqAkk5mnjpRAs4HFFTdf0A-Wek&index=2

17/05/2024 : Planetarium Century - 100 Years of Planetarium Music

Planetarium Century
100 Years of Planetarium Music
Berlin school – 127:58 – France 2023
J’ai un peu honte car j’aurais dû chroniquer ce CD il y bien longtemps et c’est quasiment neuf mois après que je m’y suis attelé; une gestation normale pour l’humanité, indigente en mon cas. Que François Aru, qui a géré la planification de ce disque me pardonne… Il n’est jamais trop tard pour bien faire, surtout en musique où les œuvres restent intemporelles et pas un temps pour elles… Il s’agit d’un album anniversaire qui fête les 100 ans de l’existence des planétariums, ces grandes coupoles où, assis confortablement, on peut s’extasier devant des cieux fictifs reconstitués avec la plus grande intransigeance. Pour cela, ont été réunis Emmanuel Quenneville, Kurtz Mindfield et Sequentia Legenda, trois sommités de la Berlin School qui ont composé ces onze morceaux dans le plus pur style cosmique qui sied aussi bien à l’endroit qu’ils illustrent qu’à la musique que tout un chacun suppose adéquate aux étoiles lointaines. Pour une fois, la cohérence est totale et, comme le dit si bien le co-géniteur, ils ont «composé le ciel et créé le son des étoiles». Tout à fait d’accord, voici une rondelle qui trouvera son public auprès des fans des Tangerine Dream et Klaus Schulze de toute évidence. À signaler que c’est un certain Olivier Briand qui a masterisé le tout, pas un inconnu non plus des amateurs du genre. Accompagné d’un livret qui retrace l’histoire des planétariums, «Planetarium Century - 100 Years of Planetarium Music» vous balance en orbite sans coup de pied aux fesses mais avec l’irrépressible poussée vers l’infini et l’au-delà qu’on suppose de plus en plus habité, ceci dit en passant! Pas moins de dix-sept compositions vont vous accompagner dans ce voyage au sein de l’univers connu. Sept pour Kurtz Mindfield, cinq chacune pour Sequentia Legenda et Emmanuel Quenneville, habilement dispatchées au sein de l’album. Que dire de plus sur ce disque? Les amateurs de Berlin School seront aux anges, enfin encore plus près d’eux cette fois, les autres passeront à côté d’une immense toile d’infinie beauté spatiale…
Commode
https://visionsnocturnes.bandcamp.com/album/planetarium-century
https://www.youtube.com/watch?v=T525YHneSO4

18/05/2024 : Sanity - Perspectives

Sanity
Perspectives
pop / rock alternatif / crossover rock – 55:26 – Pologne 2024
Sanity, groupe inconnu de mes radars progressifs, sort un recueil d’histoires avec le dénominateur commun d’aller au-delà de la première impression, souvent grise comme la vie actuelle. Un album écrit au fil du temps et malgré une route divergente des musiciens; un album singulier loin des critères, des tiroirs musicaux; jetons-nous dedans.
«I'll Obey» imprime le son alternatif, jonglant sur un air pop rock avec un break planant et une rythmique en douceur, difficile à cerner. «Won't Go Away» même base avec ce plus lors du break intimiste, spleen et aérien; ambiance western spatiale avant un solo heavy au riff acéré et une déclinaison alternative prog, sur un Alice in Chains des 90 par exemple. «Oscillator» entre dans l’espace progressiste; arpège latent, rythme syncopé en montée, vocal insufflant des veines progressives avec ce beau crescendo rock-pop-post égayé; oscillation primaire avec le son qui gonfle rappelant U2 au départ pour ce son aigu ou le dernier Alex Foster pour le spleen dépressif, bref ça commence à devenir intéressant. «Molded» interlude cinématique aux bruits d’eau de barque; l’ambiance est sombre, contemplative, sur un Anathema déprimé. «Life Unworthy of Life» sur un post-rock avec sa déclinaison guitare fluide et les voix off, le riff redondant hypnotique; l’explosion finale confirme que l’on est sur un espace progressiste. «Tonight's the Night» ligne rock alternatif rythmé et flirtant avec les sons bruts du rock et les climats progressistes du post; le rock nerveux revient à la charge pour le final.
«Wet Dream» pour le second interlude barjot qui passerait sur une chaîne décadente qui se moque du système ambiant. «Mistaken» rock indie, batterie envahissante, riff acéré, un métal prog en ouverture avec un vocal typé rock, fusion alternative sur du Soundgarden vitaminé; le prog metal est bien là. «Indifferent» pop rock avec la guitare électrique; la montée sur un air sudiste, un Jeff Buckley bis qui aurait eu une belle vie; le ton est enjoué, délicat, la trame sur la détente, la simplicité de l’air groovy. «Totally Insane» riff heavy et batterie prégnante repartant sur les bords nerveux alternatifs; le phrasé rapé interpelle un peu avant que la guitare rock remette en place ce doute fugace; des voix walliennes, des cris pour progresser dans l’album et «Mothership» comme happy end sur un rythme hard rock assumé.
Sanity connu de nulle part, son opus chroniqué seulement 6 mois après sa sortie; un paradoxe musical pour un son novateur surfant entre différents genres musicaux dont l’esprit progressiste est au centre; du son vitaminé alternatif qui n’hésite pas à venir tutoyer l’esprit prog dans ses titres.
Brutus
https://sanitypoznan.bandcamp.com/album/perspectives
https://www.youtube.com/c/sanitypl

19/05/2024 : The Pineapple Thief - It Leads To This

The Pineapple Thief
It Leads To This
rock progressif moderne – 40:45 – Angleterre 2024
Après un hiatus de deux ans, après le très bon «Give It Back» et la sortie en 2023 de l’album solo «Luminescence» très acoustique et mélancolique de leur chanteur leader Bruce Soord, voici (déjà) le nouvel opus des «voleurs d’ananas» pourtant en gestation d’écriture et composition depuis 3 ans!
Le groupe nous propose cette fois un quinzième album assez épuré par rapport à ses sorties précédentes. Moins bon qu’avant? Certes non, mais plutôt un condensé de ce que sait faire et proposer The Pineapple Thief.
Comme le dit lui-même Bruce Soord, le challenge et objectif pour le groupe ont été de proposer un album «débarrassé de tout le gras» de leurs compositions; cette fois, The Pineapple Thief a été et va à l’essentiel, et ce n’est pas pour nous déplaire.
Certes, l’album est assez court (8 titres pour 40 minutes environ), mais de qualité, sans titre dépassant les 6 minutes, sans fioritures. Peut-on encore parler de ou mentionner le groupe dans la catégorie rock progressif? À mon sens, peut-être plus, n’en déplaise aux intégristes du genre. Pour perdurer et élargir son public (sans rentrer dans la gamme dite commerciale et mercantile), c’est probablement le défi qu’est en train de tenter, voire de réussir, The Pineapple Thief.
L’excellent jeu de batterie très précis et technique de Gavin Harrison, en pause (définitive?) de Porcupine Tree, donne une belle valeur ajoutée à l’ensemble, sans oublier la voix douce et mélodieuse de Bruce Soord, et les claviers aériens juste bien placés de Steve Kitch.
Avec «It Leads To This», The Pineapple Thief apporte une nouvelle pierre à l’édifice du rock actuel, moderne, de qualité. Une valeur sûre!
Caligula
https://kscopemusic.bandcamp.com/album/it-leads-to-this
https://www.youtube.com/playlist?list=PLzpHvgk6ivsHWC0qhRCSR4tXDtIr4fh5f

20/05/2024 : Lost World Band - A Moment of Peace

Lost World Band
A Moment of Peace
rock progressif – 40:41 – Russie 2024
Au centre de ce Groupe du Monde Perdu (un projet en route depuis une vingtaine d’années) est son pilier, Andy Didorenko, multi-instrumentiste (guitares acoustique et électrique, basse, violons, percussions, claviers, chœurs), patient (près de deux ans de travail pour mettre au point cet album) et pointilleux (le soin du détail apporté à des compositions complexes), qui s’entoure de quelques invités (surtout à la batterie mais aussi au chant et, de façon plus anecdotique, à la flûte), pour seize courts morceaux d’une musique progressive, dominée par les claviers («Mercurial», aux accents jazzy) ou par les guitares («The Last Salvo»), nimbée de sons acoustiques (violon, flûte), flirtant avec le rock de chambre flirtant ou avec le rock in opposition (on pense à Sleepytime Gorilla Museum – en moins dévastateur) et parsemé de respirations apaisées («A Moment Of Peace», bien sûr, et «Still Love Now», évocateurs de Mike et Sally Oldfield – c’est ici Phoebe Carter qui tient le micro –, le cérémonieux «Castle In The Air» ou l’onirique «Ashes»).
Auguste
https://lostworldband.bandcamp.com/album/a-moment-of-peace
https://www.youtube.com/watch?v=PxlQMGzoeYQ

21/05/2024 : Moon Goose - Murmurations

Moon Goose
Murmurations
rock psychédélique / vintage – 43:04 – Royaume-Uni 2024
Moon Goose est le groupe de rock gallois qui s’évertue à mélanger psyché, math, prog et spatial; «un bruit de dragon entrant en collision avec un astéroïde» (dixit). Envie de chroniquer en associant la pochette d’avec celle du film «Arrival». Une expérience musicale singulière fusionnant des sons des 60 à ceux d’aujourd’hui pour un son primaire, tribal et mantranique; c’est leur 4e production après la première de 2019.
«2023 AD» entame métronomique, air rapide et lancinant, vocal phrasé à la Patti Smith favorisant la transe; un cliché musical sur l’année passée, tout allant vite comme ce cyber rock punk spatial. «Last Flight of the Moon Goose» pour l’instrumental délirant, stroboscopique, un peu sur les Stooges, s’éloignant du prog. «Cheese Lens» pour la délivrance, tempo ralenti, sonorité réverbérante; un psyché-air pour bad trip lysergique au son envoûtant, à ne pas mettre entre toutes les mains; la guitare canalise cet instrumental déjanté. «Rhesus David» repart en course rapide, up-tempo dynamite; redite mais le piège survient avec ce break aux deux minutes, air champêtre de foire, la trompette et le côté sombre; paf quatre minutes et des voix froides, dark wave à la Zappa surviennent; un rock futuriste des 60 rythmé par la batterie et un xylophone, la trompette au final syncopé faisant penser aux B-52’s .
«Cloud of Eyeballs» pour la montée crescendique, Joy Division à l’air cyber psyché transe; addictif, énergique; un froid musical brûlant. «Compressed Hairstyles of the New Settlers» synth pop glaciale à la Devo avec sa guitare claire de gangsters cravatés et un air entraînant; usité malgré cette montée instrumentale tonitruante au goût psyché défraîchi. «Geese in a Dinghy» ambiance psyché latente, atmosphère qui se pose, ça fait un peu de bien; le rythme accélère vite avec un frappé percu envahissant et une guitare spleen; le titre fluide et abordable sur un relent tangerinien avec ce synthé envahissant. «Shisha Shanti» pour une déclinaison crescendique, un feu musical descendant d’un volcan avec un air léger des Meccano; des chœurs langoureux, lancinants, une ambiance éclairée, un mantra psychique pour s’évader du troupeau et voler dans l’espace; redondant, bourdonnant et gambadant.
Moon Goose, le titre pour comprendre la pochette et le vol d’oiseaux ou de poissons se déplaçant comme un être unique; se déplacer seul est devenu un luxe, écouter cet album dans la forêt urbaine aussi. Mixé par Adam Fuest ayant œuvré pour Mott the Hoople ou The Cure vous donnera un indice. Album pour se protéger du monde ambiant à écouter le soir.
Brutus
Bandcamp: https://moongoosecult.bandcamp.com/album/murmurations
YouTube: https://youtu.be/dRmLsEOpTVQ

22/05/2024 : Deepspace - The Black Orchid Galaxies

Deepspace
The Black Orchid Galaxies
ambient / space music mélodique – 76:28 – Australie 2024
Laissant de côté le très décevant Steve Roach, dont la re-réédition de son «Structures from Silence» pour son 40e anniversaire n’est que la copie conforme de celle du 30e sous la forme d’un triple CD bourré de longues plages endormantes à souhait et grugeant du même coup le fan de longue date que je suis, je constate qu’il existe encore fort heureusement de l’ambient spatial imaginatif et innovant comme ce Deepspace, pseudonyme de Mirko Ruckels, un terrien hybride franco-allemand basé à Brisbane en Australie. Dès son plus jeune âge, il s’intéresse aux bruits qui l’entourent, comme le passage d’un train, le son de la cloche d’une église, et il se demande alors comment il pourrait traduire ces choses «musicalement». Sa démarche exploratoire se construit au fil des années pour aboutir à une quinzaine d’albums studio dont ce voyage fantastique dans une galaxie imaginaire ou plutôt dans un amas de galaxies naines non cartographiées, regroupées sous le nom «The Black Orchid 4059», et potentiellement habitables par l’être humain. Un vaisseau éclaireur va donc le visiter («The Garden Orb»). Cet album est le récit de cette mission vers l’inconnu. Le ton est à la fois hypnotique et glacial mais parfois mélodiquement onirique. Mirko utilise des synthés, bien sûr, mais aussi quelques instruments acoustiques, comme le piano et la guitare, auxquels il ajoute des sons de cloches. La mouvance reste dans les tons de Steve Roach, Jonn Serrie ou Robert Rich. Longues notes envoûtantes, moires tantôt lumineuses tantôt sombres où l’on reconnaîtra en filigrane le thème de «Rencontres du Troisième Type» («Travelling Vast Distances»). Cette plage est d’ailleurs la plus longue, paraphrasant le long voyage vers cet amas mystérieux. Un voyage qui se soldera d’ailleurs par un échec. Ces 17 minutes permettent à l’auditeur de s’immerger dans la solitude stellaire et la quête vers l’inconnu. Immersif et angoissant, glacial comme ces étendues infinies de l’espace profond. Si la construction reste linéaire et envoûtante, elle est aussi sublimée par les sons que Mirko parvient à créer pour étoffer une ambiance où les papes du spatial ambient ne parviennent plus à se renouveler. Les nappes synthétiques sont ici comme le ressac de l’océan à la surface duquel rebondissent et pétillent des notes en cascades. «Recreational Space Couch» se fait plus mélodique et coule comme une douceur céleste au son flûté aérien et nourri d’écho et de reverb par touches subtiles. Un intermède quasi pastoral empreint de magie. «UnsettingData» module aussi des sonorités séraphiques proches des compositions de Jonn Serrie et donc proches d’une trame onirique. «Considering the Loss of the Organic (Smoo’s Capsule)» est la parfaite démonstration du comment couler des sons empruntés au quotidien dans le drapé des synthétiseurs, au point d’en faire oublier ceux-ci. «Melting» se fait une fois de plus presque mélodique, même si le pitching peut paraître un peu dissonant. «By the Grace of Science», très mélancolique, s’éloigne de l’ambient par ses notes mélodiques flûtées serties de touches légères d’arpégiateur. Six minutes de rêve condensé. Ces courtes plages sont autant de respirations profondes avant de plonger dans les abysses du cosmos. Elles forment un tout homogène et créatif, innovent dans le style, tout en rappelant parfois le «Quiet Music» de Roach, du temps où il avait encore le feu sacré.
Clavius Reticulus
https://projektrecords.bandcamp.com/album/the-black-orchid-galaxies
https://www.youtube.com/watch?v=y5cHCDlnRsY

23/05/2024 : The Bardic Depths - What We Really Like In Stories

The Bardic Depths
What We Really Like In Stories
rock progressif '70 – 45:00 – Royaume-Uni 2024
Si vous aimez le prog rock mélodique avec un soupçon de symphonique à la mode des années 70, alors vous êtes au bon endroit.
Si vous ne connaissiez pas encore cette formation, sachez qu’elle est composée, depuis les deux derniers albums, du fondateur Dave Bandana, Gareth Cole (One Sided Horse, Fractal Mirror), Peter Jones (Tiger Moth Tales, Camel, Cyan) et Tim Gehrt (Streets, Steve Walsh).
Ce nouvel album est le successeur de «Promises Of Hope», publié il y a deux ans et qui avait connu un beau succès auprès du public progressif. C’est aussi le troisième, mixé et masterisé par Robin Armstrong (Cosmograf).
On ne change pas une recette qui plaît! Comme pour les précédents opus, le thème littéraire est de nouveau exploré et étendu pour célébrer les auteurs et leurs histoires, chaque chanson étant dédiée à des écrivains, notamment Alan Moore, Willa Carther, Walter Miller, Lewis, Tolkien et Robert Rankin.
Les paroles ont été écrites par Brad Birzer et Dave Bandana sur la base du livre «Mythic Realms» de Brad Birzer.
Si le groupe prétend proposer des harmonies vocales luxuriantes, des couches mélodiques denses et la lueur chaleureuse d’une époque révolue, il n’en demeure pas moins que l’écoute n’apporte que peu de surprises. À vouloir jouer en symbiose avec les partenaires de manière propre, professionnelle, respectueuse, il manque un peu de personnalité et ce n’est pas le saxo (très savamment pertinent) qui y changera quelque chose. D’autant plus que la piste d'ouverture «Genius», ultra-courte mais fortement orchestrée, est pleine de promesses et d’énergie symphoniques et tellement à l’opposé de ce qui est proposé par la suite. Seul le deuxième et éponyme titre maintient quelque peu l’intérêt de l’auditeur. Album agréable mais convenu.
Publius Gallia
https://thebardicdepths.bandcamp.com/album/what-we-really-like-in-stories-24bit-96k
https://www.youtube.com/watch?v=QLgXVYas0FE

23/05/2024 : Fairy Tale - Live on the Radio (Bypass 2.)

Fairy Tale
Live on the Radio (Bypass 2.)
art rock / heavy rock – 17:09 – Slovaquie 2024
Fairy Tale c’est le projet de Peter Kravec dès 1994; il faudra des démos et la rencontre avec Barbora Koláriková pour que le groupe sorte un mélange de rock heavy-prog, electro ambient, d’art rock mélancolique. Un son crossover entre rock progressif et cold wave dénaturée, faisant suite à la pochette de la fille en lévitation sur son lit.
«Bypass 2 Introduction» avec la présentation tout simplement amenant «State of Neurotica» datant de 2011, ambiance cinématique planante, latente, ça rime; tambours et guitare acérée pour un son brut des 70; la voix nerveuse part sur celle des Plasmatics en couplet, plus fondue pour le refrain; le solo guitare spleen de Peter sur une tonalité mélancolique et un fond des Deep Purple. «Acoustic Dream» et son suivant proviennent de l’album «Dream» de 2008; air solennel, voix très hagenienne, sons de radio, lente montée dépressive à la limite d’un cold wave des 80; la guitare nous fait visiter les limites larsen; titre instrumenté par rapport à l’original. «Babel On» avec Barbora qui hurle, en lien avec la tempête qui s’est abattue le soir de l’émission enregistrée? Le côté vocal hargneux à la Chrissie Hynde prolonge l’effet lancinant du titre, lorgnant sur certains titres des B-52’s, pour dire que le rock prog est assez loin; le final torturé.
Fairy Tale sort ce 2e EP digital pour faire patienter, un mini live enregistré à la station slovaque de Bratislava grâce au soutien de fans; un son remastérisé d’anciennes pièces pour un son direct sans concession, dégageant une atmosphère sombre, idéal pour leurs fans.
Brutus
https://fairytaleartrock.bandcamp.com/album/live-on-the-radio-bypass-2
www.youtube.com/channel/UCF4Pib-WZtMqGRZUa0oFILQ

24/05/2024 : Scandale - Demain

Scandale
Demain
rock progressif symphonique – 40:34 – Belgique 2024
Le duo bruxellois Scandale est de retour avec ce deuxième album «Demain» (le premier, «Des rires et des pleurs», date de 1996). Cet album est en fait une compilation de titres conçus sur leurs 25 années d’existence. À part l’un ou l’autre titre, c’est généralement Jean-François Moulin qui se charge des compositions musicales alors que Thibaut de Halleux écrit les textes en français. Il nous invite à une méditation avec «Le sablier de l’univers», nous emmène dans un lieu secret sur «L’île aux doux amants», ou encore nous adresse un message à propos de l’avenir («Demain»). C’est également Thibaut qui officie au chant et quel chant! Pour avoir vu et surtout entendu Thibaut sur scène, nous savons qu’il peut nous interpréter aussi bien du Lisa Gerrard que du Klaus Nomi; cela vous donne une idée de sa technique vocale remarquable qu’il aime travailler sous différents registres. Pour mémoire, Thibaut a fait partie, entre autres, du groupe AmAndA. D’ailleurs, trois des titres repris ici ont d’abord été publiés pour des albums de cette formation («Demain» et «Les Ailes du Désir» sur le premier album de ce groupe «Qui est AmAndA?» en 2002 et «Au bout de ma rue» provient de «Là où Chimène dort», sorti en 2012).
Mais la musique n’est pas en reste, tantôt en douceur, tantôt digne de grandes orchestrations classiques et lyriques. L’opéra n’est jamais très loin.
Un excellent album pour les fans des effets vocaux de Thibaut. On espère évidemment retrouver le duo en concert prochainement…
La Louve et Tibère
https://scandale.bandcamp.com/album/demain

25/05/2024 : Leviathan - Heartquake / Redux

Leviathan
Heartquake / Redux
néo-progressif symphonique – 41:04 – Italie 2024
Avec peu de moyens, Leviathan avait fait 3 albums entre 87 et 97. C'est le premier d'entre eux qu'ils ont choisi de remettre sur le métier. Comptant toujours Alex Brunori (voix, texte) et Andrea Monetta (batterie) depuis 85, ainsi qu'Andrea Amici (claviers) depuis 89, Leviathan accueille maintenant Andrea Castelli à la basse (Il Rovescio della Medaglia) et Fabio Serra à la guitare (Rosenkreutz), et nous livre une magnifique résurrection dès l'intro tonitruante «The Waterproof Grave» ou lors de la conclusion non moins convaincante «Heartquake». On est dans une verve génésienne post-PG ou Marillion. Pour autant, la voix d'Alex ne clone pas celle de Collins; elle se situe dans le triangle complété par David Bowie et Dave Cousins (Strawbs). Autrement dit, c'est parfait. La ballade anthémique «Dream of the Cocoon» est très Bowie/Cousin, dans la composition aussi, simple mais diablement persistante. La perle du disque est, selon moi, «Hellishade of Heavenue», démarrant très sucrée, sur le tempo d’un slow. Mais dépêchons-nous d'emballer car, après l'inévitable (beau) solo de guitare, les choses se compliquent: un climax inquiétant d'où émerge bientôt un beau motif camelien qui sera décliné sous diverses formes, dont un super chorus de guitares à la Wishbone Ash. Splendide!
«Only Visiting This Planet»: intro un instant electro très radio dans ses guitares aguicheuses, mais le retour génésien dans le tricot du synthé recadre l'ensemble d'un morceau délicieusement symphonique et efficace!
«Up We Go!»: toujours dans une verve génésienne post-PG, thème rapide plus guitare et accrocheur, l'arrivée des claviers donne encore plus d'ampleur, et leur motif sous-tend de superbes parties de guitare solo.
L'album se termine avec «Dream of the Cocoon» et le morceau titre, concluant un album sans rien de neuf ou d'aventureux, certes, mais tellement jouissif.
Indispensable.
Cicero 3.14
https://leviathan-ams.bandcamp.com/album/heartquake-redux
https://www.youtube.com/watch?v=bVsr_t-Tigw

26/05/2024 : Francesco and The Black Swans - La Vie en Rose

Francesco and The Black Swans
La Vie en Rose
rock progressif / rock psychédélique – 59:42 – France 2024
Quel bonheur musical de découvrir de nouveaux artistes comme Francesco and The Black Swans, et qui de plus est, avec ce premier album «La Vie en Rose», de haut niveau!
Dès la première écoute de cet opus de près d’une heure, on ne s’ennuie pas une seconde, et je parie que, comme votre serviteur, vous serez rapidement emportés par cette vague d’émotions, si vous avez la chance de le découvrir.
Francesco Buono, concepteur compositeur-arrangeur est le chef d’orchestre de cette œuvre autoproduite, avec l’aide indispensable de sa femme Julie, coproductrice et intervenant sur «Lost» (tout comme leur fille Vittoria) et «Time». Quel travail et quel résultat indéniablement mûrement réfléchi et composé… magnifiquement abouti!
Le groupe est composé de musiciens de grande expérience, et non des moindres: Harry Waters aux claviers (Roger Waters, David Gilmour, Nick Cave), Indria Saray à la basse (Alcest), Eric Lebailly à la batterie (Adagio, Louis Bertignac, Stuart Hamm, Cyril Achard (ex-Arrakeen) et évidemment Francesco Buono (guitares et voix).
«La Vie en Rose» est un album concept centré principalement sur l’existence de l’Homme et ses dérives modernes (tels «You Have To Hold On», titre décriant les dérives des réseaux sociaux, ou «Political Diseases» et «Legends», titres abordant la corruption politique, les névroses humaines), dans lequel chacun(e) peut s’identifier à un moment ou un autre. Malgré l’ambiance sombre, et voulue par son créateur, qui se dégage de l’album (écoutez «Lost» et vous comprendrez), il reste toujours des lueurs d’espoir pour l’Humain (les magnifiques «Time» et «Requiem, mon Amour»).
Musicalement, tous les titres sont aussi excellents, et nous renvoient sans détour aux grandes années (1973-1979) de Pink Floyd, et même la voix chaude et inspirée de Francesco Buono n’est pas sans rappeler celles de David Gilmour mais aussi de Yogi Lang (RPWL); c’est vous dire le niveau de qualité!
Merci à Francesco pour cette œuvre.
Je vous invite à écouter et acheter cet album conceptuel les yeux fermés et vous l’apprécierez assurément!
Caligula
https://francescoandtheblackswansmolabel.bandcamp.com/album/la-vie-en-rose
https://www.youtube.com/@francescoandtheblackswans

26/05/2024 : Francesco and The Black Swans - La Vie en Rose [2e avis]

Francesco and The Black Swans
La Vie en Rose [2e avis]
rock alternatif / progressif / psychédélique – 59:37 – France 2024
Francesco and The Black Swans sort un album concept sur la supposée vie agréable que nous vivons; citons Harry jouant avec Waters, Indria sur Alcest, Eric pour Adagio et vous aurez un indice sur le son proposé de Francesco; l’histoire trop souvent répétée des meurtrissures infligées aux femmes et enfants; la politique liberticide et la perte d’identité sociale, un creuset lorgnant sur le dinosaure Pink Floyd au son progressif, alternatif et psychédélique, bref plongeons.
«Set the children free» donne le ton avec ce titre froid, métronomique, lent aux relents floydiens pour la voix watersienne; titre composé par le fan club de Gilmour, tout est dit; solo ressemblant, spleen qui fait dresser l’oreille. «Political Diseases» air électro mid-tempo pour le constat amer de notre société, mélancolie accentuée par la basse-batterie se tenant la main; le solo slide bluesy au son strident. «Lost» intro sombre, craquement, voix en français, une mère et son enfant décédé, émotion prononcée; l’air se pose angoissé avec l’orgue en fond; lenteur et spleen pour expliquer le drame et le break wallien, la voix criée prend ici toute sa place avec ce déchirement, cette perte; le violon final en rajoute, maman, maman... des pleurs en réponse. «Everything is nothing» sur les ravages du Covid; air lorgnant sur RPWL pour la voix chaude à Yogi; comptine sombre tenue par la batterie et le clavier langoureux; le concept et le son défilent, la guitare gicle l’air. «Mother» l’intro cinématique aborde un pan douloureux du musicien, de l’enfant de l’histoire; lorsque la mère essème sa méta-communication pathogène, le résultat ne peut être que lourd de conséquence; entre dramaturgie et spleen avéré; seule la guitare vibrante va donner quelques notes d’espoir. «La vie en rose» frappé electro mettant un peu de lumière sombre; «Hey you» semble venu de «The Wall» avec son atmosphère latente de drames au quotidien; refrain chaleureux et prenant pour la ballade éponyme poignante et un solo magistral frissonnant qui suinte l’émotion, évitant de rajouter des mots aux maux.
«You have to hold on» air enjoué sur les réseaux sociaux et leur paradoxal effet isolant; la basse assène l’air nous emmenant sur nos contradictions; du Yogi encore et un air angélique sur le morceau attrayant, entraînant, addictif permettant d’entrevoir musicalement l’éclaircie. «Something inside of me» cri de Bob, de Pink? Francesco expliquant la schizophrénie, tentative folle de fait; le solo guitare rassemble la sensation schizoïde suggérée; air monocorde, ordonné avant le break me renvoyant au Marillion ère Fish; les voix s’entrechoquent, le solo clavier apaise longtemps mettant gaité et espoir en avant. «Legends» suit; l’orgue continue de réchauffer avec l’air wallien à peine esquissé; un peu des Beatles nommé aussi pour cette musique qui nous réunit; l’orgue tire des lignes psychédéliques enjolivantes, moment où la réminiscence d’avec le grand Floyd atteint son paroxysme, la guitare vibrant tel un thérémine. «Time» acoustique comme sur «Pigs»; histoire de la pandémie, de la mort narrée en intro jusqu’au cri, à la sirène, vous pensez à quel morceau wallien? Un melting pot de l’histoire en trois parties, des sonorités, un flash musical mettant en avant l’orchestration progressiste qui manquait un peu; sonnerie, air solennel, voix de l’au-delà pour dépasser la Mort, l’oubli avec un dernier solo guitare émouvant. «Requiem, mon Amour» et le final complainte d’amour à l’âme sœur trouvée; mélodie guitare aux notes ciselées apportant espoir, résilience sur un air solennel aérien.
Francesco and the Black Swans propose donc ce concept musical wallien; plus de 40 ans séparent l'œuvre des Floyds et celle-ci contemporaine; du progressif à atmosphères spleen pour un voyage philosophique sur notre société folle, une exploration de nos maux pour en tirer que l’espoir final, tel est le but de cet album à déguster sans modération. Edith Piaf était visionnaire ne voulant garder que le beau.
Brutus

27/05/2024 : Drifting Sun - Veil

Drifting Sun
Veil
néo-progressif moderne - 47:09 - International 2024
Drifting Sun formé en 1994 par Pat Sanders avec un line up changeant et une recherche de leur empreinte sonore; notons Karl Groom au départ, aujourd’hui après une réactivation Jargon des Verbal Delirium, Jon d’IQ et Fudge des Pendragon, oui vous avez bien lu; ajoutons Ralph,guitariste virtuose, et nous avons ce 8e album devant nous.
«Veiled» entame champêtre, théâtrale, sur un air des Mecano, oui «Hijo de la Luna»; c’est beau, nostalgique, des crépitements et un arpège piano cristallin, le clavier orchestral; on voit la danseuse dans la bouteille. «Frailty» entrée dans l’album et la baffe directe; deux minutes symphoniques me rappelant le meilleur Arena sur la veine néo-pro ; un air d’inspecteur Gadget mélodique, le Hammond amenant chaleur, rythme enjoué, le vocal théâtral imposant ce titre opéra sur un versant jouissif. Break avec chœur et ses pom-pom, un violon vibrant kansasien celui de Suzi; le final mélodique, en pente douce, grandiloquent et le solo guitare au loin donnant la chair de poule, tout ça pour une histoire de déesse; final génésisien nostalgique. «Eros and Psyche» à nouveau le piano aérien, l’air lorgnant sur Alan Parsons Project; synthé flirtant d’avec le «Butterfly» d’Arena, le néo bien en place; le refrain explosif, frais, gai, changeant du départ nostalgique; Ralph tout en délicatesse. «The Thing» vocal solennel de Jargon avant le refrain folk-prog d’une assemblée viking; l’air mélodique avant de partir sur un solo synthé onctueux, oui il donne envie, lorgnant sur ce que faisait Tony des Genesis; solo guitare émouvant qui égrène les pensées des combattants, le tout amplifié par Fudge; final a capella avec Ralph qui montre sa dextérité en stéréo écho époustouflant.
«2-Minute Waltz» piano à queue nerveux, se jouant des touches et montrant l’importance du classique dans le prog, petit intermède virtuose. «Through the Veil» avec le Hammond génésisien, la batterie et la guitare heavy pour l’intro puissante, air redondant de «Frailty», oui l’inspecteur, avant de laisser le son partir sur une envolée progressiste maniant rock, pop et synthés modernes des Saga; texte sur la démence et ses affres avec une fin solennelle. «The Old Man» ambiance nostalgique, mélancolique, laissant la place à l’espoir; la voix fait penser à Michael de Saga en plus émouvant; guitare secondée par les claviers avant de s’évader sur un solo où la pédale wah-wah se lâche, monte et explose pour un final jouissif avec un silence assourdissant. «Cirkus» air syncopé, mélodie des 1001 nuits, une valse, une bourrée, beau travail de Jon; l’air du début d’album revient ici, introduisant l’effet concept théâtral; la dissonance est de mise, heurtant l’auditeur habitué à un son néo consensuel; break accordéon du «Temps des Gitans» qui jerke; ce brouhaha devient ensorcelant avec un chœur folk, olympien; la progression avec le clavier lançant ses notes pour que la guitare se pose dessus; le final lancinant pour créer le manque.
Drifting Sun a sorti un très bel album de rock néo-prog créatif, envoûtant, dansant et énergique, n’hésitant pas à oser un son nouveau; imprégné des Yes, Genesis, Arena et IQ pour le néo, il propose un new néo-prog enjoué, moderne au son théâtral, symphonique et créatif. Il parle de la tourmente du monde dans lequel nous vivons et des affres de la démence avec des atmosphères sombres. Un album évolutif, innovant et récréatif; un son complexe, polyrythmique, jouissif, dansant et prenant pour un potentiel top.
Brutus
https://driftingsun.bandcamp.com/album/veil
https://youtu.be/u1gfjWXqUG0

28/05/2024 : Octopus Syng - Smoke Green Mirror

Octopus Syng
Smoke Green Mirror
rock psychédélique - 41:19 - Finlande 2023
Il vit à Helsinki, s’appelle Jaire Pätäri et est le musicien qui se révèle derrière Octopus Syng, un projet solitaire lorsqu’il le démarre, en 1999 à Kouvola, capitale de la région de la Vallée de la Kymi, au sud-est de la Finlande (deux disques sous cette configuration), avant de passer un vrai groupe-où-on-n’est-pas-tout-seul (trois albums entre 2014 et 2018) et d’aboutir aujourd’hui, pour «Smoke Green Mirror» à un match nul, où le travail se partage entre autant de chansons enregistrées seul que de morceaux joués avec d’autres interprètes: les dix compositions sont signées Pätäri, axées sur l’usuel quarté voix / guitare / basse / batterie, parfois agrémentées de thérémine ou d’harmonium, mélange convenu de timbres associés au rock psychédélique d’obédience british-sixties-avare-en-psilocybine – l’exception faisant irruption dans la dernière ligne droite avec «Gamelan Music with Three Empty Beer Cans and other Household Items», que j’aime bien et au titre littéral, suivi d’un fumeux mais intéressant «My Foggy Hours» et d’un lancinant (l’harmonium) mais convaincant «Starlight».
Auguste
https://octopussyng.bandcamp.com/album/smoke-green-mirror
https://www.youtube.com/watch?v=No0uBaFZD1k

29/05/2024 : flyingdeadman - As hearts stop to beat

flyingdeadman
As hearts stop to beat
post-rock - 46:00 - France 2024
Trio originaire du centre de la France entre Nantes et Poitiers, Flyingdeadman est actif depuis une quinzaine d’années et propose un post-rock dit «cinématique», plutôt porté sur les atmosphères que sur les grosses guitares qui mordent.
Leur cinquième album «As the hearts stop to beat» compte six pistes entre cinq et dix minutes pour quarante-six de durée totale.
Le concept est loin d’être réjouissant puisqu’il évoque les massacres de Austin en 1966, de Colombine en 1999, d’Utøya en 2011, de l’école primaire Sandy Hook en 2012, de Nashville 2023 et de Nova (le festival de musique) 2023 dont les suites occupent encore les médias…
Ce sont les victimes de ces six tueries de masses, une par titre, dont les cœurs qui ont arrêté de battre.
Avec un thème pareil, il ne faut pas vraiment s’étonner si la musique ne respire pas vraiment la joie de vivre. C’est une musique plutôt lente, sombre, introspective, avec quelques rares poussées de fièvre.
Mais cet album est aussi une démonstration de subtilité, de délicatesse avec des intros légères parfois acoustiques que n’aurait pas reniées Anathema. On espère autant qu’on redoute la tempête qui s’annonce au fil des titres qui défilent. Et parfois elle ne vient pas, elle reste contenue, frustrante, avec le goût du manque…
C’est un album qui peut s’écouter en regardant des images d’actualités muettes et en noir et blanc.
Pour conclure, c’est du post-rock instrumental tout ce qu’il y a de plus classique, mais avec quelque chose en plus, un soin particulier dans les ambiances.
Tout ceci pour vous dire que «As the hearts stop to beat» est un très bel album qui devrait ravir les amateurs de post-rock – et pas qu’eux, d’ailleurs.
Publius Gallia
https://flyingdeadman.bandcamp.com/album/as-hearts-stop-to-beat
https://www.youtube.com/watch?v=RARU90WXYFk

29/05/2024 : Mikaël Cauchies - Cea, muse du chai

Mikaël Cauchies
Cea, muse du chai
art rock - 14:20 - Belgique 2024
Voici le grand retour de Mikaël Cauchies, après le groupe AmAndA et le projet AnAgrAm. Quel bonheur de le retrouver de la sorte avec une composition unique sur le bonheur de devenir père pour la première fois. C’était il y 10 ans que sa fille aînée a poussé ses premiers cris qui semblent avoir fasciné papa Mika. Une très belle composition en vérité, réalisée avec, notamment, Sébastien Boutry, Pascal Rocteur, Gauthier Budke, ainsi que plusieurs membres de sa famille pour les chœurs. L’entrée en matière nous permet d’entendre des vocalises comme les pratique AmAndA. Très vite, elles sont remplacées par le clavier avant que n’intervienne le chant amoureux de notre ami Mika. Rassurez-vous, on découvre rapidement des références musicales. J’ai pour ma part entendu du Magma par endroits. Une belle promesse pour l’avenir puisqu'il semble avoir l’intention de sortir un titre de 15 minutes tous les 6 mois. Le suivant fera les louanges de sa seconde fille. En attendant des nouvelles de ses autres projets…
Tibère
https://mikaelcauchies.bandcamp.com/track/cea-muse-du-chai
https://www.youtube.com/channel/UCW6wEKFegl7yyGixaYRvCDg

30/05/2024 : Rémi Orts Project - Emotional Release

Rémi Orts Project
Emotional Release
rock progressif / rockmantique - 45:05 - France 2024
Rémi laisse de côté ses albums de méditation pour se tourner vers le paysage rock. Un rock mâtiné de chansons romantiques en français («Pardon») et en anglais (le titre éponyme qui ouvre l’opus). Une démarche inhabituelle s’il en est, quand on connaît notre multi-instrumentiste qui travaille tant avec de réels instruments (ici: les guitares, les voix, les chœurs et les basses) qu’avec des instruments virtuels, comme la batterie programmée. Il est aidé en la matière par Patrice Locci, ex-batteur de Michel Sardou et de Francis Cabrel. Patrice s’occupe aussi de la finalisation des mixes. Cet album est basé sur les émotions tant calmes que violentes et les rapports souvent complexes entre hommes et femmes. Les textes sont d’Alain Varlet, Émile Bermond et de Laurie Fromont, celle-ci étant particulièrement douée pour traduire lyriquement ces émotions. Rémi travaille toujours en étroite collaboration avec elle. Le résultat est bluffant. Une orchestration ponctuée de riffs et de solos de six cordes orientés prog-rock complétés de belles partitions de claviers. Si Rémi chante en français c’est à la demande des Américains, dit-il, car ils aiment le son de sa voix. Cela dit, pour les morceaux plus «pêchus» (le terme est un tantinet trop fort) la langue de Shakespeare est souvent de mise. Le jeu de guitare est travaillé sans jamais verser dans le démonstratif et tel n’est sûrement pas le but. Sans doute est-ce aussi le thème de l’album qui le rend plus proche du rock «romantique» et des jolies ballades que du progressif tel qu’il est habituellement perçu. «Simple Life» se décline sur un tempo vitaminé avec des riffs à la Lenny Kravitz. Le son de guitare et la construction mélodique de «Éphémère» ont des relents Jean-Jacques Goldman. «Pardon», sous certaines formes, s’approcherait plus du son Florent Pagny. Toutes ces comparaisons me viennent bien sûr d’impressions tant personnelles que ponctuelles, parfois liées aux paroles, souvent en rapport avec des phrasés musicaux similaires. Et comment ne pas épingler ce beau duo avec Émilie Naamwin sur «Universal Student», chanson lumineuse sertie une fois de plus d’étincelants riffs de guitare. Au total, «Emotional Release» se révèle un album rock de très bonne facture avec quelques envolées qui font frissonner l’épiderme, comme ce «The Power of Illusion», le plus proche des standards du rock progressif. Doux par le chant et l’orchestration mais presque symphonique dans son élévation et complété par un court solo de guitare des plus enlevés. Le morceau magique de l’opus. On l’aura compris, cet album mêle adroitement les paysages rock à ceux de la chanson française mélodique et sentimentale. Deux courants qui mettent en valeur des textes d’une grande beauté poétique.
Clavius Reticulus
https://www.remiorts.com/catalogue/download-albums/remi-orts-project-emotional-release-2/
https://www.youtube.com/watch?v=5cJDML6pi8k

31/05/2024 : Turbulence - B1nary Dream

Turbulence
B1nary Dream
metal progressif / djent - 48:42 - Liban 2024
Turbulence est né en 2013 avec Mood et Alain jouant du Dream Theater; ils se lancent dès 2015 sur un album dans leur lignée essayant un son plus rapide, technique et lourdeurs du djent; dynamique avec un courant new metal progressif oriental. L’histoire d’un robot qui prend peu à peu conscience et réfléchit pour ce 3e opus; un son qui lorgne sur les valeureux Pain Of Salvation et Haken.
«Static Mind» intro minimaliste, synthé leprousien, air oriental, un peu d’électronique pour mettre en condition avec un vocal épuré avant que «Theta» déboule, oui c’est le mot avec un riff djent; vocal envoûté d’Omar et shredding nerveux associé à la mélodie complexe; ce mélange douceur-brutalité est bluffant, le break ambiant avant le retour de synthés et des guitares qui giclent, qui gonflent; la baffe lançant «Time Bridge» et son instrumental fourni, entre riff djent et violons; la suite fusionnant le metal d’avec des sonorités orientales est un pur bonheur. «Manifestations» suit avec Alain et Mood mettant le feu en quinconce à la guitare et au clavier; morceau complexe, varié, énergique entre Dream Theater et Haken pour un metal prog moderne bourré d’amphétamines musicales dont une séquence jazz-métal onirique; break final aérien, robotique, agressif avant de repartir sur des chœurs envoûtants et laisser «Ternary» clore cette introduction dantesque en 5 phases; Omar revient en douceur sur une guitare cristalline apaisante; chœurs chaleureux, solo guitare avenant et le crescendo final sur les pads de Morgan qui s’y mettent pour un niveau musical bluffant.
«Binary Dream» titre éponyme à la mémoire d’un théâtre musical; son pesant, basse prégnante en mid-tempo, air hakenien, tiens on entend Woody; morceau frais, jeune, envoûtant, fleurant l’oriental, le djent puissant; les breaks empilés donnent un solo synthé virevoltant avant un autre oriental bourré de sensibilité, sur les Balkans; un moment jazzy puis le son revient au climat vocal-clavier intimiste, il reprend vigueur par un son floydien velouté avant le final, baffe. «Hybrid» intro moderne electro, basse, batterie énergique et shredding pour un titre nerveux, heavy; break ambient et son solo guitare des 1001 nuits. «Corrosion» pour la ballade de l’album, acoustique guitare orientalisée au spleen émouvant; réminiscence d’un slow des Scorpions, d’une intro des Eagles; Omar monte en gamme en proposant un mantra hard rock purplenien. «De Erosion» pour l’instrumental happy end, sonorité cristalline d’un Oceansize pour se poser.
Turbulence pose la question de l’avenir de l’homme à travers les réflexions de ce robot 8b+1 humanisé, un reflet de notre époque déstructurée; un album superposant une instrumentation parfaite et des mélodies actuelles exquises et complexes; des réminiscences des Temic récents, un zeste des Pain Of Salvation et une fontaine du Dream Theater pour la baffe metal prog de ce début d’année fusionnant djent, groovy, technicité , jazzy et progressif, immense dans le genre.
Brutus
https://turbulencelb.bandcamp.com/album/binary-dream
https://youtu.be/gvkEJHv1Agk